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On peut intituler ce récit « Marre de Merzouga ? allez donc à Varzouga ! »
Pour y aller c’est simple, il faut un visa russe (environ 160 euros en passant par une agence) aller jusqu’au Cap Nord (incontournable), passer la frontière Russe, visiter la presqu’île de Ribachy (pour ses pistes), aller à Mourmansk, faire un détour pour aller au port de Teriberka (pour le fun), descendre vers le sud de la presqu’île de Kola et partir vers l’est le long de la mer blanche vers les villages de pêcheurs de Kuzomen et Varzouga. Traverser ensuite toute la Carélie, s’arrêter à Petrozavodsk pour les monastères de Kizhi, puis repos à Saint Petersbourg (superbe) et il faudra penser à rentrer car c’est quand même un voyage de 13500 km et 6 semaines !.
Voilà ce que nous avons fait à trois cellules de mi-juin à début août 2015.
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Nous nous étions donné RDV à Flensburg, très joli port allemand, de là nous passons au Danemark, puis Copenhague en Suède, et remontée tranquille de la Norvège par Roros et Trondheim. La Norvège est toujours aussi belle, les routes sont en bon état, les paysages superbes, les villages et petits ports sont charmants avec leurs maisons bien entretenues et peintes de couleurs vives. Les bivouacs sont faciles surtout pour nous qui ne nous privons pas d’emprunter les pistes pour rejoindre ici un bord de mer, là une rivière ou un lac où nous serons seuls pour passer la nuit. Seuls pas tout à fait car à partir de Narvik et jusqu’à Saint-Petersbourg les moustiques ne nous lâcheront pas, un enfer ces bestioles !

En Norvège à cette période, fin juin, c’est le chassé-croisé, les Norvégiens du nord descendent en camping-car vers le sud et rencontrent le reste de l’Europe qui monte vers le Cap-nord.
Mais tout ceci se fait sans problème de circulation car le pays est immense. Le seul petit soucis est le coût de la vie, très élevé, gasoil à 1,60, une bière 4 euros, un kg de tomates 4 euros, un litre de lait 2,50. Au restaurant le repas basique est à 40 euros par tête. La Norvège est productrice de pétrole et le niveau de vie de ses habitants bien meilleur que le nôtre, le pays utilise la couronne Norvégienne et non l’euro. Heureusement nous étions prévenus et avions emmené des provisions en conséquence, d’autant que nous ne savions pas ce que nous allions trouver comme approvisionnement plus loin en Russie.
Nous continuons toujours vers le Nord, par Fauske, Narvik, Tromso, Alta, en route nous visitons plusieurs sites et musées (cercle polaire, musée du Tirtpiz, musée de la mer à Tromso, etc.) il y a pas mal de touristes, déversés par les bateaux de croisière.


Petit à petit la durée de la nuit diminue et l’obscurité disparaît aux environs de Narvik, le soleil de minuit devient une réalité dès que la pluie ou les nuages veulent bien lui laisser une place. Les températures sont fraîches, il est habituel d’avoir 5° la nuit et 9° le jour, il ne pleut pas trop souvent mais les journées de temps gris s’enchaînent. Heureusement le chauffage fonctionne (à ce propos la dernière station GPL se trouve à Alta).

Nous voyons de plus en plus de troupeaux de rennes et quelques campements d’éleveurs lapons, les ‘ Sami’. A deux reprises nous pourrons apercevoir des élans.
La pêche en mer est fructueuse, les cabillauds et lieu noir sont au rendez-vous, frits ou au court bouillon c’est un régal !

Après avoir fait une halte dans un petit port pour un succulent repas de crabe royal (55 euros par tête), nous nous séparons pour une journée, un couple d’amis n’ayant jamais vu le Cap-Nord se rend sur place, les deux autres véhicules attendront à une dizaine de kilomètres (le coût du parking au Cap-Nord est prohibitif). Par chance le soleil est au RDV, nos amis reviendront satisfaits mais désormais bien convaincus comme nous l’avions constaté quelques années auparavant lors d’un voyage précédent, que l’endroit est bien un ‘piège à touristes’.


Après ce détour nous continuons notre route vers l’Est, vers Kirkeness, dernière ville Norvégienne avant la Russie. Peu avant Kirkeness, un coup d’œil sur la carte nous montre que nous passons à une dizaine de kilomètres de la Finlande, nous y faisons un saut par curiosité, le temps de faire quelques achats en euros. Kirkeness est une petite ville, sans grand intérêt.
Nous quittons la Norvège, le contrôle pour quitter le pays est succinct , mais côté russe c’est une autre affaire. Mon passeport semble intriguer le douanier pour une raison inconnue, il se réfère à son chef qui vient l’observer puis celui-ci appelle une de ses collègues qui après scrutation attentive conclue enfin qu’il est valide. Il faut ensuite remplir un long document, le document est mal traduit en anglais et va suivre un certain nombre d’aller/retour pour lecture, rejet, correction, la douanière s’impatiente et semble penser très fort ‘qu’est-ce que c’est que ces ploucs !’ elle nous tamponne enfin les sésames. Suit alors une fouille assez sérieuse des véhicules, le stock de nourriture ne les intéresse pas.
Après environ deux heures de formalités nous pouvons fouler le sol russe. La route longe quelque temps la frontière électrifiée et bardée de caméras, nous approchons de la première ville Nickel qui comme son nom l’indique est une importante mine d’extraction de nickel. La région est totalement défigurée entre rejets de fumées, terrils de déchets de mine et lacs de liquides nauséabonds.

Au milieu de cet enfer de Dante une jolie église en bois tente d’adoucir le tableau.

Dans la ville une agence bancaire filiale de la Société Générale nous permet de faire du change, cela ne doit pas être fréquent car trois employées se consacrent à chaque client, histoire certainement d’éviter les erreurs..Un peu plus loin nous pouvons faire le plein de gasoil à 60 cts d’euros, ce tarif sera le même sur tout notre trajet en Russie.
La route vers Mourmansk est récente et en bon état, les axes principaux du trajet seront identiques, de grands travaux d’amélioration jalonnent le parcours, doublés par des pistes provisoires poussiéreuses et parfois en mauvais état. Nous passons les villes de Zapoljarnyj (industrielle et très polluée), Pechenga (immeubles délabrés), puis Sputnik, et arrivons au pont de la rivière Titovka, -à ce moment du récit une explication s’impose, contrairement à ce qui est indiqué dans les guides, dont les plus récents, l’accès à la mer de Barents n’e’st pas interdit, il est possible pour nous étrangers en deux endroits : la presqu’île de Ribachy et le village de Teriberka dont nous parlerons plus loin..
Au niveau du pont de la rivière Titovka démarre la piste qui mène à la presqu’île de Ribachy, exactement entre le café-épicerie-hôtel-arrêt de bus et le pont (l’épicerie propose des sandwichs de bonne qualité à des prix dérisoires). La piste monte vers le nord et après environ deux km une piste sur la droite permet d’accéder aux chutes de la rivière Titovka, assez remarquables.

Nous reprenons la piste principale dont l’état se dégrade de plus en plus, les cellules souffrent. Après quelques km mes amis décident de ne pas aller plus loin, trouvant la piste trop inconfortable, j’essaie malgré tout une reconnaissance de quelques km mais la piste n’est pas mieux. Je suis un peu déçu, nous bivouaquons au bord de la rivière, sur la piste passent des touristes russes, en moto ou 4x4. En début de nuit (il fait jour bien entendu) j’entends des voix, 4 types en kaki, kalachnikov en bandoulière semblent admirer le véhicule et la cellule avec de nombreux commentaires. Je sors et leur demande ‘no problem ?’ l’un d’eux qui parle anglais me répond ‘no problem’ en souriant et ajoute ‘russian police’, je les invite à la visite, ayant bien vu qu’ils en avaient très envie. Ils rentrent tous les quatre, encombrés par leurs flingues et s’extasient devant le confort de la cellule, ils me demandent dans quel pays est fabriqué celle-ci, je leur réponds en Allemagne en ajoutant ‘deutch qualitat’ ce qui les fait bien rire car comme nous ils ont les mêmes pub à la télé sur les voitures allemandes. Au moment de quitter la cellule, celui qui semble être le chef pose sa kalachnikov sur la table et avec sérieux me montre celle-ci en précisant ‘russian qualitat’..
Ce sera le seul contact avec la police russe pendant ce voyage, hormis les frontières.
Le lendemain nous reprenons la route en laissant de côté plusieurs villes situées au Nord de Mourmansk (Zaozersk, Poljarnyj, Severomorsk, etc.), villes interdites aux étrangers et aux russes sans laisser- passer, c’est dans ces bases militaires que l’on trouve les sous-marins nucléaires récents ou en épaves déversant une pollution radioactive dénoncée par la communauté internationale. Nous arrivons à Mourmansk, grand port industriel de 260 000 habitants, où les installations militaires ont déménagé plus au nord.
Il fait un grand soleil, nous visitons rapidement car les points d’intérêt manquent, le monument ‘Aliocha’ en mémoire de la seconde guerre mondiale domine la ville.

Nous trouvons un restaurant au bon rapport qualité/prix ‘le dandy’ où j’aurai l’opportunité de manger du renne, certainement importé de Norvège car après avoir exterminé les éleveurs Sami, ou les avoir envoyé au goulag, ou sédentarisés de force, le régime communiste qui n’aimait pas les peuples nomades a provoqué la disparition totale des rennes dans cette contrée.
Les restaurants seront rares dans le reste du pays, comme les endroits où boire un café d’ailleurs. En ville nous trouvons des supermarchés, les façades sont décrépies et n’augurent rien de bon mais à l’intérieur le choix est très important, depuis les yoghourts Danone aux vins de Bordeaux, les prix des denrées courantes sont inférieurs aux nôtres. En matière de choix les russes ne manquent de rien, sauf de pouvoir d’achat..
Une aire de camping-car est signalée sur Mourmansk, nous allons voir par curiosité, c’est le parking de la station de ski de la ville, sans eau et sans aucun camping-car. Nous n’en verrons pas au cours du voyage, sauf deux à la fin au camping de Saint-Pétersbourg.
Au sud de Mourmansk, dans la ville de Kola, nous trouvons l’embranchement vers Teriberka, c’est un petit port de pécheurs du bout du monde situé au nord ouest de la presqu’île de Kola à 150 km. La route est en assez bon état, nous passons devant la grande base militaire Severomorsk3, puis peu à peu c’est un paysage de toundra désertique qui s’offre à nous, ponctué de lacs, il n’y a plus d’arbres.

A un moment nous apercevons un bord de rivière parfait pour un bivouac, mais la quantité de moustiques est telle que nous devons fuir et chercher ailleurs. L’arrivée à Teriberka est désolante, le village est en deux partie, le village de maisons en bois de pêcheurs est à l’abandon, et le port un peu plus loin est constituée de bâtiments en ruine ou décrépits dans lesquels habitent quelques malheureux. C’est tout à fait l’ambiance ‘soviétique’ des films des années 50. Une longue et belle plage de sable déserte nous accueille pour le repas, car ici nul resto ni bistrot ni touristes !!



Nous retournons vers Kola, et reprenons notre route vers le sud, peu avant Laplandija une route vers l’est nous mène à Lovozero et son lac que nous ne parviendrons pas à atteindre, des barrières nous empêchent l’accès, nous bivouaquerons au bord de la rivière au milieu des cabanes de pêcheurs. Nous faisons l’impasse sur la piste Revda/Kirovsk/Umba, impraticable pour nos cellules et rejoignons Olenogorsk et Moncegorsk (villes industielles très pollluées) puis Apatity et Kirovsk (tout aussi polluées par des mines de nickel). Nous passons la soirée sur le parking de la station de ski de Kirovsk, fermée en cette saison, en dessous de nous un immense nuage de pollution recouvre la ville.
Le lendemain nous redescendons vers Poliarnye Zori (centrale nucléaire) et Kandalakcha (usine d’aluminium) d’où part la route vers Varzouga, le long de la mer blanche sur près de 300 km.
C’est avec soulagement que nous quittons ces villes industrielles sans intérêt. La route est en bon état, nous traversons à nouveau le cercle polaire et atteignons Umba, dernière station de carburant. Dans les rares villages en bord de mer c’est l’effervescence, les saumons remontent les rivières et tous les pêcheurs du coin s’activent, nous observons leurs montages de mouches artisanales qui donnent de bons résultats. L’un d’eux nous donne un saumon de bonne taille qui nous régalera.
Environ 50 km avant Varzouga le goudron s’arrête mais la piste est en bon état, le village est coupé en deux par la rivière et des barques à moteur assurent la traversée. De belles églises en bois attirent l’attention. Pour rejoindre Kuzomen il faut emprunter une piste de sable de 15 km, nos véhicules passent bien dans le sable mou, nous aurons l’occasion de dépanner un véhicule russe planté. Le village est constitué de vieilles maisons en bois, d’une église, et des petits chevaux en liberté se promènent dans les rues ensablées du village.



Après cette escapade le long de la mer blanche nous reprenons la route principale de Kandalaksa vers Petrozavodsk (capitale de la Carélie). Sur près de 600 km ce ne sont que marécages déserts où toute vie animale semble absente, la route monotone est fréquemment déviée pour cause de travaux. Les habitations sont rares ainsi que les stations de carburant. Nous faisons un détour par Kem avec l’intention d’aller sur les îles Solovki, lieu de pèlerinage en raison de la présence d’un monastère et surtout d’un des plus terribles goulag soviétiques. Kem est une petite ville très pauvre, sa périphérie ne dispose pas de l’eau courante, en revanche une très belle église en bois mérite le déplacement. L’entrée du port de Kem est payante (5 euros), le ticket donne un droit d’accès au parking d’un hôtel très confortable sur lequel nous passerons la nuit, un couple d’amis profite du jacuzzi de l’hôtel pour un prix modique. Le temps est maussade, il bruine et il fait froid, les anciens quais en bois (certainement construits par des prisonniers du goulag) sont délabrés, une partie récente accueille les vedettes qui font la navette avec les îles situées à près de 50 km au large. Après renseignements il s’avère que l’aller retour dans la journée n’est pas possible, il faudrait passer une nuit à l’hôtel dans les îles, nous abandonnons le projet.

Nous continuons notre route vers le Sud, la route longe sans que nous ayons l’occasion de le voir, le ‘canal de la mer blanche’ de sinistre mémoire qui relie le lac Onéga à la mer blanche. Voulu par Staline entre les deux guerres, ce canal a constitué un gigantesque camp de travail où des dizaines de milliers de malheureux sont mort de faim, de froid ou d’épuisement.
Nous passons à Medvezegorsk, puis allons voir des chutes dans un petit parc naturel peu avant Kondopoga, il y a pas mal de visiteurs russes bien que les chutes soient très banales. Nous arrivons à Petrozavodsk (270 000 habitants), le beau temps est au rdv, la ville très animée comporte de nombreux bâtiments anciens restaurés une belle promenade longe le lac, bref c’est une ville où il fait bon vivre. Un petit parking au bord de l’eau devant la mairie nous accueille pour la nuit, les camping-cars sont si rares dans ces contrées que personne n’a encore pensé à leur interdire le stationnement. Le lendemain matin des futurs mariés passent sous nos fenêtres pour se rendre à la mairie.
Petrozavodsk présente un autre intérêt, c’est le port de départ pour l’île de Kizhi sur le lac Onega, point d’intérêt majeur. Nous partons visiter l’île à bord de vedettes rapides, démodées mais très efficaces, grâce à leurs hydrofoils elles atteignent une vitesse de croisière de 70 km/h, en 1h30 nous sommes sur place, le beau temps est avec nous.


Le lendemain nous quittons Petrozavodsk et partons plein ouest pour rejoindre Saint-Pétersbourg en faisant le tour de l’immense lac Ladoga, Après plusieurs jours de petites routes en travaux et quelques visites, Sortavala, Ladenpohja, Priozersk, nous atteignons le camping situé entre Saint-Pétersbourg et Peterhof (le Versailles russe), premier camping depuis la Norvège.

Ensuite le retour s’impose, nous traversons la frontière à Narva, en Estonie, le contrôle russe est strict, la fouille complète mais correcte. Passés les premiers kilomètres nous avons l’impression de rentrer chez nous, les gens sont décontractés, l’euro s’affiche, bref c’est l’Europe ! et le gasoil passe à 1 euro..
Ensuite la route sera longue, ponctuée de la visite de Tallin et Riga, et de la colline aux mille croix en Lituanie jusqu’à Varsovie en Pologne où l’on rejoint l’autoroute qui nous conduira a la maison.

Conclusion : Un grand et long voyage, pendant lequel nous avons il faut le dire, souffert du froid et des moustiques. Les impressions sont contrastées car le décalage entre la Norvège, les pays baltes et la Russie est énorme. D’un coté une nature préservée, un niveau de vie élevé, une ambiance cool, de l’autre une nature saccagée par l’exploitation minière, un niveau de vie faible et une ambiance tristounette (bâtiments décrépits, souvenir des goulags, multiples monuments commémoratifs de la seconde guerre mondiale, etc.)
Avant le passage en Russie nous avions la crainte d’ennuis avec la police, cela n’a jamais été le cas, la population a été souvent ravie de voir les « Frantsuz tourists ».