Ce carnet résume la première partie d'un voyage en Russie fait en avril dernier, de la Caspienne à la Baltique.
L'essentiel y est, y compris mes erreurs en Moldavie et Ukraine.
Cordialement
Sylvie & Bernard
La Russie en Avril avec un petit fourgon, un mini frigo, une autonomie électrique limitée et un minuscule chauffage à cartouches, une folie ?
Cela aurait pu être l’enfer. Ce fut un merveilleux voyage.
En activité professionnelle, nous n’avons pas le choix de la période et de la durée des congés. C’est 3 semaines, et en avril. Avec 2 jours de RTT, nous avons eu 25 jours pour un triangle Toulouse-Caspienne-Baltique.
Le choix de débuter par la Caspienne sera le bon, laissant le temps à la neige de fondre au Nord.
L’itinéraire ?
Sylvie voulait visiter le monastère de Capriana en Moldavie, les 2 perles de l’anneau d’or, Souzdal et Sergueiv Possad. Et bien sûr Novgorod en montant sur St Petersbourg. Pour moi, la Kalmoukie en souvenir d’un chauffeur Kalmouk pour son aide à Leningrad, la Caspienne qui me fuit désespérément et Stalingrad.
Pour le passage des frontières, j’ai mobilisé l’expérience de 15 ans passés sur les routes internationales. Entrée en Ukraine un samedi, en Russie un dimanche. Au retour, j’ai évité les postes frontières de Narva et Rézekne. Ce fut parfait : 40 minutes pour entrer en Russie, et un record pour en sortir, 7 minutes !
Pour Sylvie, premier séjour en Russie dont elle découvre la langue et l’alphabet. Je ne parle qu’un mélange de mots appris pendant mes années T.I.R sans vraiment savoir si c’est ukrainien, bulgare ou russe. Bizarrement, ça marche.
Cartographie. A bientôt 60 ans, j’ai décidé qu’il était temps de renoncer à la méthode ancienne, cartes et boussole : le temps que je lise la signalisation en cyrillique, que je la décode, que l’information arrive au cerveau, la bifurcation est passée. Donc choix d’un GPS mais selon mes critères, simple, basique, fiable, économique. Soldes de janvier, 99 euros seulement pour un modèle 45 pays. Il fut remarquable.
Visas. Nous avons profité d’une offre d’Action Visa : 120 euros tout compris, frais consulaires, voucher, commission. Passeports déposés le lundi à Paris, récupéré le jeudi de la semaine suivante.
J 1 Toulouse-Budapest
Départ par l’autoroute de Toulouse tôt le matin. Midi, entrée en Italie.

Traversée Nord de l’Italie. Slovénie en soirée.

Arrêt pour quelques heures de sommeil juste avant Budapest.

J 2 Roumanie
Le matin, contournement de Budapest.

Repas le midi juste avant la frontière roumaine.

Traversée de la Transylvanie. Bivouac très calme sur la place centrale au cœur d’une petite ville. 2400 km depuis hier matin.

J 3 Moldavie
Route vers l’ouest à travers la Moldavie Roumaine.

A midi, déjeuner dans un petit café.

Frontière Moldave à Sculeni.

Sylvie la bavarde a encore frappé : elle sympathise avec une des responsables du poste de douane Moldave dont le fils a étudié à Poitiers. Elle nous fait cadeau de la taxe d’entrée !

Cette partie de la Moldavie bénéficie des échanges avec la Roumanie : maisons rénovées, églises reconstruites, véhicules récents.

Nombreuses marques de présence religieuse.

En fin d’après-midi, nous arrivons sur le site du plus célèbre monastère du pays. Pillé et dévasté pendant la période soviétique, il fait l’objet depuis 2003 d’un effort national de rénovation : toutes les contributions sont mobilisées, des plus modestes aux plus riches donateurs.

On s’approche, aucun autre visiteur !

On entre. Un Pope nous accueille et nous invite à visiter.

La rénovation est d’autant plus remarquable que les moyens sont à l’échelle du pays le plus pauvre d’Europe.

Pour Sylvie, début de 3 semaines de port du foulard orthodoxe.

Pour la nuit, le Pope nous laisse nous installer à l’entrée du monastère. Pas d’autres visiteurs.

J 4 Transnistrie-Ukraine
Le matin, le Pope vient prendre de nos nouvelles.

Nous lui faisons visiter le Trafic.

Nous lui offrons bougies et coupelles multicolores à placer près des Icones. Il inscrit nos prénoms et celui de nos 3 enfants sur son carnet de prières. Très belle rencontre, authentique, modeste, généreuse.

Route vers Chisinau, la capitale.

J’ai mal préparé le passage vers l’Ukraine. Je pensais trouver facilement le poste-frontière de Palanca. Erreur : pas de signalisation, cartographie absente, difficulté de communication. Après de vaines recherches, je décide de tenter le passage formellement déconseillé par la Transnistrie, le pays de tous les trafics, qui n’a pas d’existence juridique.
Les voyages en Transnistrie (région sécessionniste, située à l’est de la Moldavie) sont déconseillés, y compris les transits entre la Moldavie et l’Ukraine. Cette région, où la sécurité n’est pas assurée, est hors du contrôle du gouvernement moldave. Par conséquent, l’ambassade de France ne peut assurer l’assistance aux Français de passage en difficulté dans cette région. Il est fréquent que des voyageurs - pourtant en possession des documents appropriés - qui ont traversé la Transnistrie depuis la Moldavie ou l’Ukraine, signalent avoir rencontré des difficultés auprès des "gardes frontières" transnistriens (refus de passage, exigence de paiement d’une "amende"). Quelques rares cas de violences ont également été signalés. L’Ambassade de France n’a pas la possibilité d’intervenir lors d’incidents de ce type.
Ministère des Affaires étrangères 2013
Pour entrer, formalités rapides, 40 minutes et une seule taxe douanière de 15 euros. J’ai gardé le document qui dans quelques années sera collector !

Le drapeau choisi par les sécessionnistes. Tout un programme.

Entrée à Tiraspol, la capitale autoproclamée.

Environnement dégradé, friches industrielles, usines désaffectées.

Perdus dans ce no man’s land, nous devons notre salut à un automobiliste qui nous guidera jusqu’à l’entrée de la route pour Odessa. Poste frontière de sortie, tentative de racket habituel. J’ai de la chance, je tombe sur 2 jeunes douaniers. Je les aurai à l’usure, en 20 minutes. Expériences T.I.R : 1. Incompréhension. 2. Pas de cash, uniquement une carte bancaire. 3. Proposition de compensation, un des meilleur Whisky Ecossais d’une valeur de 50 dollars, en réalité un breuvage infâme acheté 4 euros en Andorre.

Côté Ukrainien, formalités expédiées en quelques minutes. Nous ne sommes qu’à une heure d’Odessa.

Odessa contournée par le nord, nous faisons route vers l’ouest. Pause et visite d’une chapelle reconstruite.

Pour être le lendemain midi à la frontière russe et pour échapper au racket policier, je roule en partie de nuit, ce qu’il ne faut jamais faire. Jamais. Il nous est arrivé un incident dont je ne voulais pas parler. Sylvie n’est pas d’accord, elle pense qu’il faut témoigner.
Après Mélitopol, portion de route isolée, aucun éclairage, une forme sombre nous suit, tous feux éteints. A un moment elle déboîte, me double, se rabat, et freine devant nous. Grosse Mercedes immatriculée en Allemagne, probablement volée. Coup de volant vers la gauche, je la passe, par chance la route étant assez large. Sylvie qui somnolait se réveille. La Mercedes essaie de doubler à nouveau, je reste au milieu de la chaussée, rythme cardiaque et adrénaline maxi. Après deux autres tentatives qui semblent durer une éternité, elle bifurque dans un petit chemin de terre. Elle abandonne.
Nuit en sécurité dans une petite ville entre Melitopol et Mariupol.

J 5 Russie, Taganrog
Ce matin, route tranquille vers la frontière russe à Taganrog. Les zones en travaux se succèdent sans interruption. Une seule tentative de racket policier dont je me tirerai en 40 minutes avec une bouteille de « Whisky spécial ripoux » à 4 euros. Ce sera le dernier incident policier de tout le voyage. Les 20 jours suivants en Russie, seulement deux contrôles avec grands sourires et félicitations pour notre périple russe.

Petite pause près d’un cimetière, ouvert sur l’extérieur comme le veut la coutume orthodoxe.

En Ukraine, dans la plus pure tradition soviétique, les frontières entre les oblasts sont souvent spectaculaires.

Les symboles de l’Ukraine d’avant 1991 sont encore très présents.

Rappels historiques du rôle de l’armée rouge pendant la seconde guerre mondiale.

A midi, arrivée à la frontière russe. Comme prévu, le dimanche est le jour de la plus faible affluence. Douaniers patients, serviables, qui expédient en 40 minutes les formalités d’entrée.

Une heure plus tard nous arrivons à la guest-house de Taganrog repéré sur le Net. Chambre avec vue sur la mer, belle salle de bain, cour fermée pour le trafic.

Douche, petite sieste et balade sur la plage de la mer d’Azov.

Ambiance familiale, les grands parents apprennent à pêcher à leur petit fils.

Sylvie fait connaissance avec les petits fourgons russes dont la silhouette proche de celle du trafic nous permettra de passer inaperçu.

Repas au restaurant de la guest house.

Délicieux raviolis à la crème.

J 6 Kalmoukie
Le matin, solide petit déjeuner russe .

Après le contournement de Rostov sur le Don, route sud-est à travers les steppes cosaques.

Entrée en Kalmoukie dans le district de Yashalta.
La République de Kalmoukie a une double particularité. Elle est majoritairement peuplée par une ethnie mongole, les Kalmouks ; elle pratique le Bouddhisme Tibétain. Installé autour de la Caspienne depuis le XVII ème siècle, le peuple Kalmouk fut déporté en totalité par Staline en 1943 vers la Sibérie. Les Kalmouks ne furent autorisés à retourner sur leur terre qu’en 1957. Dans toutes les familles, le souvenir de la déportation est resté très présent.

On se rend très vite compte que l’on change de culture.

Même s’ils sont encore minoritaires dans ce district, les Kalmouks sont très présents dans l’économie locale.

Pluie, vent, mauvais état de la chaussée exigent une attention constante.

Nous sommes passés par Yashalta pour voir les lacs salés. Mais en avril, les chemins sont impraticables sans 4X4.
On se contentera de contempler au loin les vastes étendues de sel.

Sur la route de Elista, la capitale, je pars à la recherche d’une aiguille dans une botte de foin. Une église bleue, dans l’oblast de Stravropol, que Sylvie avait repérée sur le Net. Arrivés à Divnoé, pas d’église. On demande à une passante qui d’autorité fait passer Sylvie derrière et s’assoit à sa place !

Par de petits chemins elle nous y conduit et nous présente au Pope en lui disant que nous venons spécialement de France pour voir son église.

Honoré, il nous offre une longue visite.

L’intérieur, encore en travaux, est financé par les dons des fidèles. Les œuvres sacrées, cachées pendant la période soviétique sont magnifiquement restaurées. On termine par un échange de cadeaux : nous lui offrons bougies et coupelles multicolores, il nous confie un chapelet de prière et un rameau d’olivier.
Un beau moment de partage.

Nous reprenons notre route pour Elista où nous arrivons en fin de journée. Nous bivouaquons aux pieds du plus grand temple Bouddhiste du pays, inauguré en 2006 par le Dalaï-lama. Nous y resterons 3 nuits.

J 7 Elista
Le matin, nous partons visiter l’ancien temple, situé dans la steppe à quelques kilomètres de la ville.

Depuis la construction du Temple du Bouddha Sakyamuni, il est peu visité. De fait, nous sommes seuls. Impressionnant !

Moment de méditation avec le vent des steppes qui étouffe les bruits urbains.

Puis arrêt devant une yourte traditionnelle de ce peuple nomade.

Retour en ville et discussion avec le policier rencontré la veille. C’est lui qui nous a recommandé le bivouac près du nouveau temple : en avril, pas encore de touristes.

Pour déjeuner, nous imitons les kalmouks qui se restaurent dans les petits kiosques.

Serviable, une jeune fille explique en anglais à Sylvie les différents choix. Elle se propose de nous accompagner au marché l’après-midi.

Repas bien au chaud avec tourtes à la viande suivies de délicieuses petites galettes fourrées au fromage blanc et au miel.

Après-midi marché donc, avec Sylvie qui recherche les foulards russes commandées par nos filles.

Cette recherche durera tout le voyage ! Je reste prudemment à l’écart des négociations.

En fin de journée, retour à notre bivouac de rêve, face au Temple.

Nuit sereine sous la protection bienveillante de Bouddha.

J 8 Culture Bouddhiste
Avant le départ de Toulouse, j’avais envoyé un mail à Sandji.B, un journaliste Kalmouk dont j’ai trouvé le nom sur le Net. A notre grand étonnement il nous répondra en nous donnant rendez-vous devant le Temple du Bouddha Sakyamuni.

Il nous consacrera généreusement un long moment. Il nous présentera un jeune lauréat scolaire qui s’exprime en anglais.

Puis il nous initiera aux aspects essentiels de la culture Bouddhiste.

Nous aurons ensuite le privilège de visiter le Temple en même temps que la délégation du ministre russe de la culture en visite officielle en Kalmoukie.

La visite se terminera par la succession des petits pavillons qui entourent le Temple. Toujours par la gauche comme l’exige la règle. Un grand merci à Sandji, nous avons reçu une très belle leçon d’hospitalité.

A midi, nous retournons déjeuner au kiosque avec les scolaires.

Puis retour au Temple pour visiter l’exposition consacrée au Bouddhisme Tibétain. La responsable nous autorise une photo.

On nous accompagne ensuite à la salle d’études où nous nous installons confortablement.

Calme et sérénité. Pour ma part, je dois avouer que j’apprécie d’autant plus la culture Bouddhiste que le Temple est chauffée quand dehors il fait 7°.

De retour en ville, je dis adieu à mon copain policier.

En début de soirée nous serons invités à une conférence donnée par un proche du Dalaï-lama. Ici aussi, salle bien chauffée.

Cette magnifique journée se terminera à l’intérieur de notre petit fourgon en admirant le soleil couchant sur le Temple.

Prochain carnet: l'introuvable mer Caspienne !