
Revenons en à Termez, cette ville à l'extrême sud de l'Ouzbékistan dont l'Amou Daria trace la frontière avec l'Afghanistan. Elle concentre à elle seule des monuments historiques de différentes époques témoignant d'occupations successives. Notre Stoupa de Zourmala est un vestige du royaume de Kouchan, 1er siècle avant Jésus Christ, c'est une des plus anciennes constructions bouddhistes de L'Ouzbékistan. Avec la citadelle de Kirk Kiz, c'est l'Islam qui commence à se répandre en Asie Centrale, puis Sultan Saadat, XIII è siècle, richesse de l'architecture médiévale.
Pour l'heure nous sommes arrivés sur les 2 sites bouddhistes de Fayaz tepa et Kara tepa.
Fayaz tepa a été découvert en 1963. C'est un temple-monastère bouddhiste où l'on a retrouvé certaines des plus anciennes images de Bouddha. La reconstitution du site montre l'ensemble des bâtiments qui comprenaient, outre les salles de prière et de méditation, des chambres pour les moines, un réfectoire, des cuisines et un caravansérail. On y célèbre encore des rites bouddhistes, des délégations de moines coréens et japonais s'y réunissent régulièrement. Pour pénétrer à l'intérieur du stoupa, il faut quelques contorsions, l'entrée en étant fort étroite. Le guide attaché au site, nous explique avec sa trentaine de mots anglais, que les moines coréens et japonais, de petite taille, rentrent facilement mais que pour faire rentrer les touristes allemands et américains, c'est une toute autre histoire ! Il rit de toutes ses dents en or en nous mimant comment il tire et pousse ces pauvres touristes !! A l'intérieur du stoupa, des niches abritaient des statues de Bouddha assis, statues qui ont été transférées dans les musées nationaux.


A quelques centaines de mètres, les fouilles sont en cours pour dégager le site de Kara tepa, centre du culte bouddhiste du II au IVè siècle. S'étendant sur un territoire de presque 7 ha, il comprenait une dizaine de monastères et de temples, certains creusés à même la colline, d'autres bâtis en briques crues. On y chemine en équilibre sur les portions de murs à peine dégagés, on pénètre dans les cellules de moines où on l'on peut encore voir des traces de couleurs, le rouge, le blanc et le noir. Sur une parcelle à l'écart, des monceaux de fragments de canalisations en terre cuite : l'eau était acheminée sur le site depuis l'Amou Daria, que l'on voit à environ 2 km. Le sol est jonché de balles de tous calibres, tirées depuis la rive de l'Afghanistan.

Nous terminons cette journée de voyage dans le temps par le site de Kampyr tepa ou Oks Aleksandriya. Ce site vraisemblablement vieux de 2500 ans semble avoir été pendant longtemps le principal lieu de franchissement du fleuve. D'ailleurs c'est là qu'Alexandre l'aurait traversé en 329 av. JC. La cité était un lieu d'échanges importants, il y avait un port, on y retrouve les fondations de centaines de boutiques. En conclusion, je citerai notre adorable guide et son anglais en or : Fayaz Tepa : little monastery. Kara Tepa : big monastery. Kampir Tepa : BIG BIG bazaar ! Le tout avec les gestes et l'emphase qui complètent la description !!
Pour terminer cette journée, nous dînons dans un restaurant où, pour manger léger, nous commandons du poulet grillé. On nous servira un poulet entier débité en morceaux, mais grillé

Le lendemain, c'est le retour sur Darband. Mais avant de partir, je souhaite aller voir le bien mal nommé "Pont de l'Amitié" qui traverse l'Amou Daria et par lequel les troupes russes sont rentrées en Afghanistan, et en sont ressorties comme le soulignera par la suite un guide francophone rencontré en chemin. J'ai lu qu'on ne pouvait pas aller jusqu'au pont, mais j'espère pouvoir l'apercevoir de loin. Une magnifique 2 fois 2 voies y mène directement. Aucun panneau d'interdiction ni de limitation d'aucune sorte, des véhicules y circulent dans un sens et dans l'autre, nous nous y engageons. Après quelques kilomètres, nous sommes arrêtés par une barrière gardée par des militaires. Nous pensons avoir atteint les limites autorisées. J'explique au militaire que nous souhaitions voir le pont. Il me répond que c'est interdit et qu'il faut aller au QG en ville demander une autorisation particulière et se faire accompagner. Tant pis, je réponds que ce n'est pas grave, que nous allons simplement faire demi-tour, pourrait-il juste nous ouvrir la barrière pour qu'on puisse reprendre la route dans l'autre sens ? Et là, ça va devenir assez ubuesque. Il ne peut pas nous laisser faire demi-tour, il doit en référer à son "commissaire". On nous demande une première fois nos passeports. Puis c'est la relève de la garde, un second troufion nous demande à nouveau nos passeports et nous devons à nouveau ré-expliquer ce que nous faisons là et demander à faire demi-tour... Oui mais il faut attendre le commissaire qui sera là dans 5 minutes. Coups de téléphone,conversations au talkie-walkie... De 5 minutes en 5 minutes, 1 heure passe, toujours pas de commissaire... Pendant ce temps là, quantité de véhicules vont et viennent font demi-tour, sauf nous... Je sors à nouveau de la voiture, on m'explique que le commissaire est "very busy"... Je me confonds en excuses, nous ne souhaitons pas déranger le commissaire qui a sûrement autre chose à faire, je voulais voir le pont qui est historique, c'est une erreur de ma part, je suis désolée, nous voulons juste faire demi tour, je ne savais pas que c'était interdit - ça ne l'est pas me répond-il (????)-, bref, j'en fais des caisses... Imperturbable, le bidasse me dit " 5 minutes". Je retourne à la voiture... et là, d'un seul coup, le voilà qui arrive et nous dit : vous pouvez faire demi-tour. Plus de commissaire, plus de passeport, plus de coups de fil, plus d'autorisation nécessaire, la barrière s'ouvre... A posteriori on s'est demandé si le militaire n'attendait pas un backshish de notre part pour ouvrir la barrière. Il est très mal tombé, nous serions restés la journée si nécessaire, j'aurais sorti le pique-nique, demandé les toilettes, mais sûrement pas sorti quelques billets.
Bon, tant pis pour le pont, on ne va pas insister, on reprend la direction de Derbend par de jolies pistes à travers la campagne.
A midi, nous trouvons miraculeusement un arbre "public" dans le lit d'une rivière asséchée, en contrebas d'un champ. A peine installés à l'ombre, nous sommes apostrophés par un adolescent qui nous fait de grands signes pour nous inviter chez lui. Nous déclinons poliment. Nous pensons avoir été suffisamment convaincants lorsque nous voyons arriver l'adolescent et 2 de ses frères chargés de tapis et de coussins qu'ils installent côté de la voiture en nous invitant à y prendre place. Nous nous installons donc. Et voilà qu'arrivent une assiette de pommes de terre rissolées, une autre de morceaux d'agneaux grillés, un grand bol de fromage blanc parfumé à la sauge et à l'aneth, des abricots et des pommes !!! C'est invraisemblable !! Et nous repartirons avec 1 kilo d'abricots et 1 kilo de pommes en prime !! Il faut dire que les arbres croulent sous les fruits, nous roulons sur les abricots tombés sur la piste !



Nous reprenons enfin la piste, bouleversés par autant de générosité. En plein milieu d'après-midi, en plein cagnard au milieu de nulle part, une famille marche le long de la piste, le père, la mère et 2 enfants. Nous nous arrêtons pour leur demander s'ils veulent monter. C'est pas de refus. Nous pensons qu'ils vont jusqu'au village suivant. Ce n'est pas vraiment notre chemin, mais ça ne nous fait pas faire un gros détour. Mais nous dépassons le village. Et le suivant aussi. La communication est impossible, on ne se comprend vraiment pas, à part le geste de continuer encore et encore. Voilà déjà une bonne heure qu'on roule lorsque nous arrivons devant un luxe de barbelés déployés à droite et à gauche de la piste avec un panneau indiquant que nous sommes arrivés à la frontière avec le Turkménistan et qu'il est interdit de passer. Nous n'avons pas vraiment l'intention de réitérer les exploits de la matinée et envisageons de laisser là nos passagers. Mais ça s'énerve u peu dans la voiture devant notre refus de continuer... alors on continue, encore une bonne dizaine de kilomètres, entre ces 2 rangées de barbelés. Et là, une ouverture côté Ouzbékistan : la piste mène aux alpages, c'est là que notre famille a installé son campement d'été avec son troupeau. D'autres familles sont aussi installées là pour l'été, il y règne une intense activité. Nous refusons l'invitation à aller boire un coup dans la tente, nous avons plutôt hâte de sortir de la zone des barbelés...

L'endroit se prête effectivement aux pâturages d'été, nous y verrons nos premières yourtes avec les enclos pour les bêtes.

Il n'y aura pas d'autres péripéties et nous profiterons des magnifiques paysages avant de retrouver Derbend. Demain nous prendrons la direction de Boukhara.