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1000 kms en motoneige

Posté : sam. 25 mai 2013 01:13
par kanawata
Février 1999, me voici à Montréal pour un raid en skidoo qui me mènera à Obedjiwan village Indien à 1500 km de toute terre civilisée.

A mon arrivée la douce ambiance de l’aéroport de Dorval est vite estompée par le froid " sibérien " lorsque s’ouvrent les portes menant à l’extérieur. Le thermomètre affiche – 20° et mon guide et ami Jean Vinet propriétaire de la Compagnie " Shaman Expédition " à un petit sourire narquois qui en dit long sur l’aventure qui m’attend. Jean Vinet est un ancien champion d’haltérophilie reconvertit dans le tourisme d’aventure et plus spécialement dans la moto-neige. Sa reconversion est une réussite car il a su s’extraire du train train habituel des nombreuses compagnies qui fleurissent depuis quelques années et qui proposent des circuits soit disant dans le Grand Nord à quelques kilomètres de Montréal……..

Une auberge dans le bois.

Après avoir fait une bonne centaine de kilomètres nous voici à son auberge acquise il y a peu de temps. Un véritable paradis. Imaginez une bâtisse en bois rond dotée de 10 chambres, au cœur d’un parc de 8 hectares dans le silence de la forêt avec un nom qui sonne bien " au vieux shaman ".

L’intérieur est chaleureux et ma première visite est pour la vieille cheminée en pierre où un bon feu de bois réchauffe mes membres engourdis par le froid intense. Après m’être installé nous discutons de ce raid. Une grande boucle où tous les types de terrains sont présents : lacs, forêts, plaines, sentiers, rivières gelées. Le kilométrage de cette chevauchée est impressionnant plus de 2500 km. De quoi avoir sa dose de froid pour le restant de ses jours... d’autant plus que dans ces territoires se sont des températures de – 35° voire – 45° qui m’attendent.

Le lendemain c’est le grand jour, après un copieux petit déjeuner nous enfourchons nos Polaris 500, de véritables bêtes de course avec des accélérations montant à 160 km/h. Bien emmitouflés dans nos combinaisons grand froid, cagoulés, casqués, c’est le départ.

Pas une âme en vue. Pas âme qui vive sur les 100 premiers kilomètres ! Plein gaz, nos skidoo foncent. Nous flottons littéralement sur la poudreuse qui se soulève derrière notre passage. Depuis le cow-boy chevauchant les plaines de l’Ouest, l’humanité n’avait pas inventé d’images aussi enivrantes de liberté. Je découvre le Far-West du Nord. Nous sommes au cœur de cette vaste région peu peuplée du centre du Québec que l’on nomme parfois " Attikamie " en l’honneur des indiens Attikameks qui l’habitent. On l’appelle aussi Haute-Mauricie car elle occupe la partie nord du bassin de la Saint-Maurice qui prend sa source au barrage Gouin construit en 1927 et d’une superficie de 10 000 km2.

Il n’y a pas si longtemps, seul l’hydravion et le chemin de fer permettaient d’accéder à ces contrées isolées. Devant les touristes de plus en plus nombreux, les trains de jours ont remplacé le train de nuit qui serpentent à travers la forêt, avant d’atteindre Senneterre en Abitibi-Témiscamingue. Entre les deux un chapelet de hameaux, villages, camps de bûcherons, réserves indiennes, clubs de pêche et de chasse. Des destinations qui ne figurent pas encore dans le guide Michelin : Clova, Parent, Windigo, Weymontachie, Casey. Mais c’est surtout l’hiver que la région s’anime grâce aux mordus du skidoo. Depuis 3 jours avec mon guide Jean que j’ai surnommé depuis belle lurette " caribou " car c’est aussi un guide de chasse qui passe de temps en temps à la télévision, je parcours ces espaces sauvages. Notre " courte expédition " fera 1000 km en forêt.

Ce soir là devant le motel 21 bolides des neiges sont stationnés en attendant le départ du lendemain.

Cap au Nord

Le lendemain, nous partons pour une chevauchée de 300km. Le ciel est bleu est la température est de – 30°. Le siège de mon skidoo glace mon postérieur mais au bout de quelques kilomètres tout rentre dans l’ordre. Nous emportons des raquettes, quelques gamelles et des rations de survie ainsi que le nécessaire pour confectionner un abri de fortune au cas ou……

Un premier arrêt s’impose à la montagne du Diable. Un sommet panoramique à couper le souffle permet d’embrasser d’un seul coup d’œil l’immensité du territoire à parcourir. A perte de vue des lacs, des forêts, des montagnes.

A midi on trouve un relais pour casser la croûte et se réchauffer. Il faut en profiter car bientôt les services se feront plus rares. Nous sommes encore loin de Parent. Les arrêts pour admirer le paysage nous ont retardés, il faut presser l’allure. Le mauvais état de la piste ralentit notre progression et la nuit tombe. Nous sommes fourbus quand à la sortie d’un virage des lumières brillent aux fenêtres d’un grand chalet. C’est la pourvoirie du Fer à Cheval. Ce sont eux qui, du printemps à l’été, offrent le gîte et la nourriture aux chasseurs et aux pêcheurs. Et ici, au beau milieu de nulle part, une cuisine honnête et un lit douillet nous attendent.

Le lendemain, pas âme qui vive, aucun bruit et pour cause la neige tombe à gros flocons et amortie le bruit des pas. Pas question d’attendre la fin de la tempête qui peut durer toute la journée. La température s’est adoucie et nous voilà sur une très belle piste qui longe la rivière Michinamécus bien connue des descendeurs de rivières. Dans le sous-bois quelques gélinottes et lièvres détalent à notre passage. Mais attention il est interdit de poursuivre les animaux. Ils ont besoin de toute leur énergie pour lutter contre les loups.

Parent, capitale de la cambrousse.

Nous voici à Parent, ce gros village est perdu au milieu des bois. Un peu désuet il possède un charme inimitable, que seules les années d’isolement en forêt peuvent créer. C’est le rendez-vous des indiens et des trappeurs, le refuge de quelques citadins qui ont fui la ville et ses percepteurs……ici personne ne viendra les chercher. Le vieil hôtel de ville en bois, les orchestres et danseuses qui s’arrêtent parfois, on se croirait en plein western.

" Essayez de me trouver une autre ville au Québec où les hôtels sont ouverts 24 heures sur 24 ! " lance un résidant. Dans ce pays un hôtel désigne un endroit où l’on boit. Ici les règlements sont élastiques, les taxes rares et la bureaucratie étrangère. Parent a connu son âge d’or du temps où les compagnies forestières " bûchaient " et aussi durant la guerre froide : une base militaire avec un radar chargé de détecter les bombardiers soviétiques avant qu’ils n’atteignent Montréal. Parent avait alors des équipes de hockey, une salle de curling, un cinéma et plus de 1000 habitants.

Mais la station radar rendue désuète par les satellites a été fermée, le centre d’entretien de la Canadian national a brûlé et la machinerie a remplacé les bûcherons. Parent est devenue une ville fantôme, mais ceux qui sont restés y sont farouchement attachés. Après une nuit reposante nous repartons vers le village voisin de 115 km.

Nous filons sur des montagnes russes enneigées au coucher du soleil, la neige scintille, comme une poudre d’or. Le spectacle est grandiose.

Clova, 37 âmes…..nous tombons sur un souper de la chambre du commerce ! Tous les commerçants se sont réunis pour voir le " petit français " et me vendre quelque chose, quel générosité et quel accueil. Chacun se plait à me demander si je n’ai pas froid, si le skidoo existe en France. Je réponds à chacune de leur question avec un brin d’humour pour chacun. C’est la moto-neige qui a redonné vie à ce hameau qui devait être rayé de la carte, les bûcherons sont partis, l’école a fermé, l’hiver tous les commerçants fermaient sauf l’épicerie qui ouvrait une fois par semaine. La venue du skidoo, l’ouverture d’une pourvoirie et de ses 20 chalets, un garage et un restaurant ont permis à la petite communauté de reprendre vie. La nuit fut courte et bien arrosée…..

Il neige abondamment lorsque nous quittons Clova pour la traversée du réservoir Gouin. Nous sommes loin des pistes balisées du sud. Une petite trace blanche sur l’immensité du réservoir est notre seul repère. Il faut faire très attention et ne pas la quitter, car le risque est alors grand de s’embourber dans les nappes de " slush " qui se forment un peu partout là où la glace se fissure en laissant passer l’eau. Nous traversons l’ancien poste d’Oskélanéo jadis un village où passaient les expéditions minières et où les indiens venaient vendre leurs fourrures. Une pourvoirie occupe aujourd’hui les derniers bâtiments du village ; nous arrêtons le temps de saluer les pêcheurs qui pratiquent la pêche sur glace et nous repartons vers Obedjiwan, la réserve indienne tout au nord, toujours aveuglés par la tempête. Parfois la piste disparaît, seule la consistance de la neige molle sous les skis, nous fait comprendre que nous quittons la piste. Notre principale préoccupation est de ne pas nous perdre. Le plan d’eau est un carrefour d’îles, de presqu’îles et de baies qui s’élancent dans toutes les directions. S’aventurer sans guide sur cette mer gelée est un véritable suicide.


Obedjiwan la cité indienne.

Nous sommes maintenant en " territoire Indien ". c’est le pays des Attikameks descendants probables des Tête-de-Boules que les missionnaires français rencontrèrent jadis en remontant la Saint-Maurice.

Les Attikameks sont aujourd’hui 3500 francophones pour la plupart et Obedjiwan est leur plus gros village. Les Attikameks savent qu’une des routes d’avenir des grands circuits de motoneige passe chez eux. Ils ont formé leur propre club et ont commencé à percer des pistes qui iront plus loin vers le nord. La grande aventure de demain. Ce n’est pas le territoire vierge qui manque à l’appel.

Tard dans la soirée nous arrivons à la lumière des phares à Obedjiwan, le but de notre voyage, était de comprendre la dure réalité de la vie des pionniers qui il y deux siècles ont traversé ces contrées sauvages mais dangereuses. Ce qui nous a pris 7 jours se faisait à cette époque en 3 mois avec des conditions climatiques très dures non pas avec des motoneiges mais avec des traîneaux à chiens. Durant ce circuit réservé aux " pros " plus de 300 km ont été couvert chaque jour. C’est harassant, mais le voyage en vaut la chandelle. Les paysages enneigés sont sublimes, parfois nous traversions des lacs gelés sur des dizaines de km à la vitesse de 140km/h. nous n’avons pas rencontrés une foule de personnes ici, c’est le silence. Par contre lors de notre arrivée dans les villages isolés nous étions accueillis à bras ouvert et l’hospitalité québécoise n’est pas un vain mot. Et dire qu’il va falloir bientôt retrouver la vie trépidante du sud et tous les tracas de la vie quotidienne, mais qu’importe : quand on a goûté au Grand Nord il est bien rare de ne pas y revenir, c’est une drogue que l’on ne peut se passer.

Re: 1000 kms en motoneige

Posté : sam. 25 mai 2013 07:22
par def130
:photo: ?

Re: 1000 kms en motoneige

Posté : sam. 25 mai 2013 08:05
par Jaclim
Oui, des photos, s'il te plaît !!!

Re: 1000 kms en motoneige

Posté : sam. 25 mai 2013 08:12
par Manard
Bonjour Kanawata,

Merci pour ce récit, si ton appareil photos n'était pas gelé et que tu aies pu prendre quelques clichés, nous aimerions bien voir ce parcours et point de vues en photos.

Comment sont ravitaillées les motoneiges en carburant? car ces villages semblent complètement isolés en plein hiver, où sont-ils reliés par d'autres moyens de communication : route, chemin de fer?

Bonne journée, ça nous réchauffe pas ;-)

Bernard

Re: 1000 kms en motoneige

Posté : sam. 25 mai 2013 16:31
par kanawata
Manard a écrit :Bonjour Kanawata,

Merci pour ce récit, si ton appareil photos n'était pas gelé et que tu aies pu prendre quelques clichés, nous aimerions bien voir ce parcours et point de vues en photos.

Comment sont ravitaillées les motoneiges en carburant? car ces villages semblent complètement isolés en plein hiver, où sont-ils reliés par d'autres moyens de communication : route, chemin de fer?

Bonne journée, ça nous réchauffe pas ;-)

Bernard
je suis désolé pour les photos, elles ont été perdues sur un cd que j'avais donné à mon gendre créateur de site web et la seule chose qu'il a réussi à faire c'est de me bousiller le cd plus aucune données, comble de malheur la sauvegarde de ces photos a été effacée lors d'un formatage, le jour de l'envoi du cd par voie postale....il m'en reste une que je vais donner à ce cher manard pour la mettre.
En ce qui concerne le ravitaillement, il se fait soit dans les rares villages que nous traversons soit dans les pourvoiries ouvertes l'hiver pour accueillir les motoneigistes. Les villages sont complètement isolés pas de train, mais une piste que les compagnies ravitaillent en essence, diesel et gaz à l'entrée de l'hiver, car après ça devient problématique avec le gel, les cuves toutes confondues peuvent contenir 50.000 litres chacune, les cuves à gaz 50 mètres cubes.
Pour ce raid nous avons utilisé des traineaux derrière les motoneiges ( tu verras la photo) avec des jerricans d'essence, les tentes et l'équipement (réchaud, vêtements de rechange et nourriture, pas besoin de frigo par - 40° sans oublier les cannes à pêche et mon ami sa carabine) Malheur a celui qui saute une station pour le plein il n'est pas sur d'en trouver à la prochaine vaut mieux mettre 5 litres que rien il y a un dicton québécois qui dit :" vaut mieux oublier son casse croute que d'oublier de faire le plein de sa motoneige". Un repas tu peux t'en passer mais si tu tombes en rade d'essence en pleine forêt t'es mal.

J'ai lu sur le site que des membres étaient passés par Weymotaci chez les Attikamekws pour faire le plein et la station n'avait plus d' essence ou diesel, cela m'a fait bien rire car je connais bien ce village et son chef François Newashish. Tu peux passer à n'importe quelle époque de l'année il n'y a pas de quoi ravitailler, je connais...Je connais aussi le sorcier "Charly" drôle de nom pour un indien mais très compétent il vient souvent en Europe donner des conférences.

Si certains pensent faire un raid en motoneige , je me ferais un plaisir de leur organiser un "trip" dont ils s'en souviendront toute leur vie. Il faut se méfier des compagnies de motoneige elle ne sont pas toutes fiables, surtout quand on vous propose un raid dans le grand nord qui consiste à faire tourner les clients autour de Saint Michel des saints la mecque de la motoneige sur divers sentiers, il y a au Québec 40.000km de sentiers pour les motoneigistes et les "pôvres" européens qui débarquent sont pris pour des gogos. Ils pensent monter vers le nord alors qu'en réalité il ne sont qu'à 40 km de leur lieu de départ.

bernard

Re: 1000 kms en motoneige

Posté : sam. 25 mai 2013 17:18
par marco07
Tabernacle tu as raison, quand on y a gouté...

On y retournera sans doute ! On est tombé en amour nous aussi, de ce pays immense. D'autant qu'à cette époque, la France et ses habitants étaient très bien perçus pour des raisons de politique étrangère (enfin en tout cas dans les milieux universitaires de ma femme, en poste à Montréal).

Peux tu nous donner quelques élèments d'organisation stp (coût hors avion à l'époque, affaires à prévoir...). Ca peut aider certains à se décider ?

1000 kms en motoneige

Posté : sam. 25 mai 2013 18:57
par kanawata
marco07 a écrit :Tabernacle tu as raison, quand on y a gouté...

On y retournera sans doute ! On est tombé en amour nous aussi, de ce pays immense. D'autant qu'à cette époque, la France et ses habitants étaient très bien perçus pour des raisons de politique étrangère (enfin en tout cas dans les milieux universitaires de ma femme, en poste à Montréal).

Peux tu nous donner quelques élèments d'organisation stp (coût hors avion à l'époque, affaires à prévoir...). Ca peut aider certains à se décider ?

Calisse un maudit français !!!!!!!!! ben mon chum je ne savais pas que tu avais vécu au Québec on va pouvoir placotter....

un circuit de 5 jours de skidoo coûte 1721 € TOUT inclus( repas3/jours, équipement complet, l'essence, l'huile, la carte d'accés aux sentiers de skidoo, les boissons non alcoolisées, l'accueil et les transferts, tel. satellite en tout temps pour la sécurité.les pourboires. Il existe une multitude de forfait du novice au pro

NON INCLUS : l'avion, la dernière nuitée à Montréal, les boissons alcoolisées et les pourboires s'y rapportant

A++++++++++