Jeudi 04 août
31/35°C – Chaud !
Quelques dernières longueurs de bassin pour les filles avant de quitter ce lieu étonnant et de saluer Fabrice Quatrevieux, sa femme, ainsi que Florence et Vincent leurs enfants voyageurs.
Nous avions prévu de passer les quelques dernières heures de ce voyage à Tirana. La capitale, grosse de seulement 0.7 million d’habitants, semble pourtant grouillante et encombrée comme une mégalopole.

Notre premier but, c’est l’immense fresque qui décore la façade du Musée d’Histoire de l’Albanie. Pas de chance, comme annoncé, toute la place fait l’objet de travaux dantesques, avec l’intégration d’un tramway et le remodelage complet de l’urbanisme, et la gigantesque mosaïque est également en réfection, presque entièrement masquée par un échafaudage… Dommage pour nous, mais c’est un signe positif de voir le Ministère de la Culture de ce pays prendre en main la restauration de ces trésors historiques qui sont aussi des phares d’attraction touristiques et donc des promesses d’activités économiques.
Après cette entrée en matière, nous commençons notre déambulation, d’abord par la très ancienne mosquée, puis ensuite, le fameux « bloc », l’ex-quartier de la nomenklatura, regrou-pant les maisons des privilégiés du régime dictatorial d’alors, dans un cadre arboré autrefois interdit d’accès à la populace. C’est aujourd’hui un quartier animé et branchouille où Dominique trouve une boutique adéquate pour offrir le cadeau d’anniversaire de Léna. Une nouvelle tenue très jeune fille pour notre adolescente de fille. Jolie Léna.

Nous partons ensuite à la recherche des fameuses façades colorées que le maire des années 2000, Edi Rama, avait proposé de généraliser dans sa ville afin d’amener un peu de joie en même temps que de la couleur dans cet univers jusque là bien grisâtre. Les couleurs d’origine sont déjà bien défraîchies, mais le mouvement est bel et bien engagé et les immeubles récents jouent eux aussi la carte des couleurs.
Nous terminons cette balade tiranaise par la visite de la Galerie Nationale, très intéressant musée de la peinture albanaise depuis le début du 19ème siècle jusqu’à nos jours, avec, en particulier les périodes « réalisme socialiste » et contemporaine qui sont bien représentées et absolument passionnantes. Le bâtiment lui-même est une belle réalisation de qualité, très sobre et agréable à visiter. Ce qui nous a attiré ici, c’est l’immense calicot placardé sur la façade du musée et annonçant l’exposition de photographies de Martin Parr. Belle surprise de retrouver cet artiste ici, en Albanie, après son exposition à Paris l’année dernière. A ne pas manquer, assurément ! Nous découvrons le travail du photographe, exposé suivant trois thèmes, dont un, absolument extraordinaire, sur l’Albanie des années 1990. De très belles œuvres, grand format, auquel Martin Parr nous a habitué, bien sûr. Une série intitulée « Small world », ainsi qu’un mur patch-work de centaines d’images étonnantes intitulé « Common sense ». Martin Parr, un vrai regard, une technique pointue pour un résultat toujours émouvant. Rien que cette expo vaut le détour à Tirana !

Après le havre de fraîcheur du musée et une pause boisson sur une terrasse ombragée loin de la foule, nous retournons affronter la chaleur moite de la ville pour reprendre la voiture et nous diriger enfin vers le terminus de ce voyage, Durrës. Nous empruntons donc la fameuse autoroute, la seule et unique (heureusement… !), qui relie ces deux villes. Un trajet épique s’il en est ! Cette liaison autoroutière est loin des critères auxquels nous sommes habitués. Le degré d’insécurité est maximal. Entre les charrettes tirées par des ânes, les minibus arrêtés sur la voie de droite pour charger ou décharger des passagers, les camions qui se traînent à trente kilomètres à l’heure, les queues de poissons injustifiées, les entrées et sorties de véhicules sans zone de freinage ou d’accélération, il y a de quoi stresser. Mais le pire, je pense, ce sont les piétons qui traversent les voies ! J’ai même vu des gens qui traversaient l’autoroute alors qu’ils étaient sous une passerelle justement placée là pour eux, sûrement après qu’un certain nombre de personnes se soient fait percuter à cet endroit. Incompréhensible !
A la dernière station-service avant la zone de contrôle, je cherche à dépenser les quelques dizaines de Lek en boissons. La vendeuse tente une arnaque éhontée en proposant un prix exorbitant pour les jus de fruit et en refusant même de rendre la monnaie sur les trois bouteilles d’eau finalement négociées ! Je me propose de compléter le réservoir avec quelques litres de gazole moins cher qu’en Italie. Arrivé à la pompe, l’employé qui sert les clients le fait avec une cigarette allumée à la main ! Avec la chaleur qui frôle les 40°C et les vapeurs diverses dont de l’essence, c’est un comportement absolument suicidaire et criminel. Affolé, je préfère abandonner, le laisser avec le pistolet de la pompe à quelques centimètres de son mégot incandescent, refermer la trappe du réservoir et fuir cet endroit apocalyptique sans demander mon reste, sous l’œil interloqué des personnes présentes !

Nous arrivons au port de Durrës avec plus d’une heure d’avance sur l’horaire conseillé. Les cartes d’embarquement sont obtenues rapidement, mais ensuite c’est l’interminable attente qui commence, et dure… Au milieu de ces files de grosses berlines germaniques haut de gamme, notre roulotte de nomade dénotait ! Mais l'usage de la douche extérieure a fait plus d'un jaloux parmi tous les gens enfermés derrière les vitrages fumés hermétiquement clôts de leur sacro-sainte voiture au moteur tournant sans interruption pour alimenter le compresseur de climatisation... Comme à Ancône, l’embarquement est incroyablement long et désorganisé. Le chauffeur entre seul au volant de son véhicule dans la soute, pendant que les passagers avec leurs bagages pour la nuit attendent sur le quai au pied du navire. Une fois la voiture stationnée sur le pont-garage, après avoir effectué un demi-tour, chaque chauffeur ressort de la soute par l’entrée des véhicules et rejoint la foule massée sur le quai. Plusieurs centaines de personnes, dont plusieurs femmes enceintes et de très jeunes enfants, sont ainsi regroupées sur le sol brûlant, sans abri contre le soleil, sans eau, pendant plus d’une heure, dans l’attente que l’accès au navire soit autorisé. A l’attente en plein soleil succède l’attente dans un couloir étriqué, surchauffé, mal ventilé et envahi de fumées de combustion du carburant des véhicules qui sont en train de manœuvrer à proximité. Aucune séparation des flux n’est organisée, ce qui fait que les véhicules de tous genres circulent au milieu de la foule des gens disséminés sur la zone d’accès bétonnée.
Le ferry quitte le port de Durrës avec seulement trois quarts d’heure de retard. La nuit finit par tomber assez vite et nous nous écroulons de fatigue sur nos couchettes.