Bonjour à tous !
Allez, on repart après cette bonne petite sieste. Pour rejoindre Berat nous empruntons une série de routes à 10%, sans doute des panneaux achetés en gros car, montées, descentes plus ou moins raides, c'est toujours 10%. A la fin de la journée on doit bien être à 200%. La route est plaisante.
A une vingtaine de kilomètres avant Berat, une puissante odeur de mazout envahit l'habitacle et one tarde pas à apercevoir une multitude de petits derricks ici et là au milieu de la campagne, dont certains encore en activité. Le sous sol de l'Albanie est riche en ressources pétrolières ce qui ne manque pas d'aiguiser l'appétit de certaines compagnies. En ce qui concerne les gisements rencontrés, ils sont exploités localement depuis une centaine d'années.
Nous entrons dans Berat à la tombée du jour. C'est samedi, il fait très chaud, tous les habitants de la ville et les touristes sont dehors. Pour accéder au spot que Pierre a prévu pour le bivouac en haut de la ville près de la forteresse, nous devons emprunter une montée pavée dans la vieille ville à 10%++

. Une rue à voie unique où il est déjà difficile de se croiser en temps normal, alors un samedi soir où tout le monde est garé devant les restos

. Nous finissons par poser le camion au pied de la forteresse et allons manger à la taverne juste à côté puis nous nous offrons le tour de la citadelle by night qui est en fait une véritable ville médiévale à l'intérieur de l'enceinte. Demain matin nous descendrons (et remonterons

) à pied les 900m de la rue de l'enfer pour aller voir les "1000 fenêtres" de la ville.
Après une nuit bien tranquille, nous voilà prêts pour la visite de la ville. Un groupe de marcheurs en plein raid "Albania 2022" nous escorte à la descente, ça rigole pas

. La ville est construite de part et d'autre de la rivière Osum. Sur la rive droite, du côté de la "kala", la forteresse visitée hier soir qui tire son nom de la montagne kalaya, s'étagent les maisons du quartier musulman, Mangalem, tandis qu'en face c'est Gorica, le quartier chrétien. Comme toutes les villes des Balkans, l'histoire est riche d'occupations diverses et variées au cours des siècles, et de mouvements de populations qui cohabitent tant bien que mal. Aujourd'hui c'est dimanche, après l'appel du muezzin d'un côté, ce sont les cloches qui carillonnent à toute volée de l'autre côté. La rivière a une couleur peu engageante et ressemble plus à un égout à ciel ouvert qu'à un cours d'eau limpide...
Je suis intriguée par ces nounours et autres peluches ou poupées en piteux état que je vois suspendus aux fenêtres, accrochés aux balcons, empalés sur des piquets de clôtures. Ce sont en fait des grigris sensés éloigner le mauvais œil. Depuis les années 2000, ils ont remplacé les amulettes traditionnelles et les fers à cheval. L'ouverture brutale du pays après plus de 40 ans de fermeture totale a apparemment créé beaucoup d'angoisse dans la population qui se prémunit contre différentes choses allant de la maladie à l'expropriation d'un terrain dont l'acte de propriété n'est pas valide en passant par la jalousie d'un voisin...
Après notre visite matutinale de Berat, nous prenons la route en direction de Permët et de ses sources chaudes. Au détour d'un virage un gigantesque site industriel abandonné en contrebas attire notre attention. Nous nous arrêtons pour aller faire quelques photos. En arrivant à notre hauteur le conducteur d'une voiture klaxonne et nous fait signe que "non non non", d'un index rageur : il ne faut pas photographier. Intriguée, je fais une recherche sur Wikipedia avec le nom de la ville, Polçan, et je découvre que la ville a été créée de toutes pièces en 1960 par le dictateur Enver Hoxha pour y installer cette usine d'armement qui fabriquait des munitions pour les kalachnikov et des obus de mortier. Le site était alors top secret. La construction de l'usine s'accompagnait de la construction des logements pour le personnel.
La route vers Permët est très agréable. Nous quittons la route principale pour une piste en face qui nous offre de jolies vues sur la gorge et sa rivière.
Nous trouvons un joli petit coin de pique-nique pour midi, à l'écart de la piste proche d'une prairie. Nous pensons être seuls lorsque surgit des bois un homme qui vient nous saluer. Avec force gestes il nous explique qu'il coupe du bois et que sa maison est un peu plus haut. Il insiste lourdement, mais gentiment, pour nous inviter chez lui. Le logiciel de traduction n'est pas d'un grand secours, mais nous reconnaissons dans son discours les mots "shpia", la maison et surtout le mot "besa" qui est certainement le mot qui définit à lui tout seul l'ADN des Albanais. La "besa", c'est le respect de la parole donnée, la confiance qu'on peut accorder, sans oublier les proverbes albanais comme "la maison de l'Albanais est la maison de l'ami et du voyageur". Nous rangeons table et chaises, le faisons monter dans le camion avec hache et tronçonneuse et nous voilà partis chez lui où sa femme, jeune et souriante, nous accueille dans son salon d'été. La maison est rudimentaire, située sur la colline avec vue imprenable sur le canyon. L'aménagement est sommaire mais propre et soigné. Il y a des poules, un potager et un jardin fleuri. Ici tout est fait maison, l'ayran et la grappa que l'on nous sert généreusement. Google traduction ayant ses limites, nous prenons congé de ces hôtes charmants en emportant 4 œufs tout frais et 1L et demi de grappa maison

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Et nous continuons notre route en empruntant une piste qui passe par la montagne. On traverse des petits villages perdus. Les paysages sont grandioses, majestueux, variés, le revêtement de la piste aussi, ce qui fait qu'à certains moments on savoure et à d'autres on déguste... Au détour d'un lacet, des hommes fabriquent du charbon de bois. J'avais lu qu'il y avait aussi des chaudiers itinérants qui construisaient aussi ce genre de dispositif au fil de leurs chantiers. Mais là nous penchons plutôt pour le charbon de bois, si quelqu'un a une autre idée ????
Nous arrivons enfin à Përmet au terme et aux thermes de notre voyage. Et là aaargh

, c'est encore pire que ce qu'on avait imaginé !!! C'est moche et c'est sale, c'est plein de poussière, de poubelles qui dégueulent d'ordures et de chiens errants qui tournent autour, ça sent l'œuf pourri et c'est blindé de monde, vanlifers, camping caristes et autochtones en sortie du dimanche. Musique à fond dans la buvette ! Une photo vite fait du pont ottoman et on remonte dare dare dans le camion cap sur une piste dans la montagne où on trouve un coin tranquille, au vert, qui sent la garrigue et où on entend chanter les grillons. Pas de bain dans les thermes, l'eau de notre douche extérieure est chaude et fait un bien fou dans les derniers rayons du soleil. Demain direction Teppelene.
