A Slava, Alexandr et Michal, mes partenaires des monts Khibiniy.
Depuis que l'Afrique saharienne se ferme aux voyageurs mécanisés, je suis à la recherche d'une destination de remplacement. Avec ses grands espaces, le plus vaste pays du monde, ses pistes réputées difficiles, la Russie me paraît une alternative à étudier. Mais sa langue et sa culture différentes, ses visas complexes, sa réputation, son passé soviétique, n'en font pas une destination évidente. Projetant d'aller jusqu'aux confins de la Sibérie, la péninsule de Kola, frontalière de l'espace Schengen, me paraissait à la fois suffisamment proche et difficile pour servir de test préalable. Encouragé par l'intérêt provoqué par ma recherche d'équipage "La Russie vers le cap Nord",
russie-vers-le-cap-nord-t6067.html"
je partage avec plaisir mon retour d'expérience.
Pour faciliter la description des difficulté des pistes, je vous propose une codification inspirée des pistes de ski.
Verte : 2 roues motrices.
Bleue : 4 roues motrices, pneus mixtes.
Rouge : 4 roues motrices, pneus tout-terrain, schnorkel.
Noire : 4 roues motrices, pneus tout-terrain, schnorkel, treuil ou tirfor, deux véhicules recommandés.
Ma préparation.
4 pneus BF Goodrich Mud-terrain KM1 neufs, spécialement stockés pour ce projet.
Autodébloquant Powertrax sur le pont arrière.
Schnorkel hauteur 1,7 m.
Tirfor 1600 kg, câble 20 m, 2 sangles, 2 plaques alu longueur 1,6 m.
150 l. gazole.
L'itinéraire russe de ce voyage peut se décomposer en trois parties.
Première partie.
Approche et visites touristiques. Pskov, Novgorod et surtout Saint-Petersbourg.
J01_ 918 km.
Départ de Vesoul, autoroute de Mulhouse jusqu'à Brück au sud de Berlin. Bivouac.
J02_ 1001 km.
Autoroute jusqu'à Varsovie. Les péages polonais acceptent les Euros et rendent la monnaie en zlotys. Le gazole est moins cher en dehors de l'autoroute, suivre les panneaux publicitaires. Route vers Augustow avec de nombreux contrôles radars dans les villages. Bivouac en Lituanie, à l'Ouest de Vilnius.
J03_ 523 km.
Photos du château-fort et du lac de Trakaï. Routes avec de nombreux chantiers de modernisation. Camping Ezermalas44 à Aluksne (Lettonie).

J04_ 383 km.
Courte et belle piste (verte) vers l'Estonie. Douane russe à Lahamma, durée 2 h. Tous les formulaires à remplir sont en russe. Préparer les brouillons avec les documents en anglais disponibles sur le site de l'ambassade russe en France. Photos de l'extérieur du Kremlin de Pskov,

visite du Kremlin de Novgorod.


Bivouac sur la rive de la Volkhov.
J05_ 180 km.
Piste courte mais éprouvante (verte) vers la M18. Visite des jardins du Palais de Tsarkoe Selo.


Route vers Saint-Petersbourg. Bivouac sur un parking gardé (3 euros) à côté du parc Ekateringhof et de la station de métro Narvaya.

J06_ 0 km.
Visites du Musée de l'Hermitage, du jardin d'été, promenade sur les canaux, église Saint-Isaac. Bivouac parking gardé.




J07_ 0 km.
Visites de l'église Saint-Sauveur par le sang, du musée Russe, de la forteresse Pierre et Paul, colonnade de l'église Saint-Isaac. Bivouac parking gardé.


J08_ 301 km.
Visite du petit musée de la bataille de Leningrad,


photos du château-fort et de l'ermitage de Stara Ladoga, pistes roulantes (vertes) à travers la forêt. Bivouac.

Deuxième partie.
Une petite semaine en Carélie avec la visite de l'île de Kijii et la montée vers le Nord par les pistes et routes secondaires. Les plus pressés peuvent faire l'impasse sur cette partie de moindre intérêt et relier directement la péninsule de Kola par la route M18, gagnant 3 à 4 jours sur le programme.
J09_ 317 km.
Pistes roulantes (vertes) en sous bois

ou "aménagées".

Photos d'églises anciennes sur la rive ouest du lac Onéga.

Bivouac sur la rive.

J10_ 71 km.
Petrozadovsk, hydroglisseur (cher !) vers les églises et le musée des maisons de bois de l'île de Kijii.



Bivouac.
J11_ 263 km.
Chutes de Ribach,

pistes éprouvantes (bleues), ponts de bois,

montée au petit sommet de Vottavaala (rouge).


Bivouac.
J12_ 360 km.
Marche à Vottavaala,

pistes éprouvantes (vertes), ponts suspendus de Yushkozéro.

Bivouac.
J13_ 315 km.
Piste roulantes (vertes) vers la côte de la mer Blanche où il semble avoir beaucoup plu.

Bivouac.
Troisième partie.
Une dernière semaine sur la péninsule de Kola afin de tester ma préparation sur un échantillon de pistes de difficultés croissantes.
J14_ 369 km.
Goudron vers Kandalakcha. Petite piste (bleue) et courte marche vers le labyrinthe préhistorique.

Goudron, photos des villages pomors de la côte de Tersky.

Exploration des pistes littorales (bleue) et pêche à ...roues.

Bivouac.

J15_ 313 km.
Pistes roulante (verte) vers Varzouga où il souffle un vent glacial. Je passe une deuxième polaire et je monte le grand escalier en courant pour me réchauffer !

Piste (bleue) ensablée vers Kuzomen, village du bout du monde.



Retour par la piste (bleue) qui suit la plage de la mer Blanche.

Début de la piste longue (100 km) et éprouvante (rouge) Umba-Kirovsk. Bivouac.

J16_ 189 km.
Piste difficile (rouge) Umba-Kirovsk. Dans les nombreuses parties marécageuses, le soubassement de la piste a souvent été emporté, dissimulant sous l'eau sombre des troncs et des grosses pierres. J'y arrache le câble de frein à main et tord le compensateur de freinage arrière.






Stationnement déconseillé !

Deux kilomètres de répit sur le tarmac d'une base aérienne abandonnée.

Ravitaillement à Apatity puis direction Kirovsk et piste (bleue) vers le refuge de Kuelporr.


J'y rencontre deux quadeurs russes à la recherche de partenaires pour traverser les monts Khibiniy et faire le tour du lac Umbozéro.

J17_ 52 km.
Début de la piste difficile (noire) avec une série de gués profonds et ensablés vers Imga.

Mauvaise trajectoire en suivant le quad qui cherche les passages les moins profonds, pas forcément les plus porteurs !

Plus loin, le quad renonce devant un gué long et profond sur les pierres. Retour par une piste qui évite les gués mais avec des grosses pierres et une descente scabreuse dans le lit du torrent.

Piste très difficile (noire ... foncée, 16 h d'efforts pour 52 km !) Kuelporr-lac Umbozero. La montée vers le col (500 m) est très caillouteuse avec 2 petits lacs à traverser à gué.


Au delà,la piste disparaît sur 5 km à travers un vaste pierrier et le lit de la rivière.

En descendant, on retrouve la végétation, une piste et les marécages où il faut treuiller et sortir les plaques à 4 reprises. Un cyclotouriste !?! Polonais nous rejoint et nous donne un sérieux coup de main au tirfor.

Bivouac sur la plage du lac à minuit. J'offre une soirée "cuisine française" à mes compagnons qui ont trimé 16 heures avec moi. Repas en commun dans le Toyota.

J18_ 94 km.
Les pluies récentes ont fait monter le niveau du lac. Une grande lagune est presque totalement recouverte d'eau, sans un arbre à moins de 100 m. Et au nord du lac, le gué atteindrait 1,2 m.

Nous renonçons et trouvons une échappatoire par un gué profond vers la bonne piste qui conduit à la mine.
PS: vidéo décrivant les difficultés entre Revda et le nord du lac Umbozero à partir de 1h06 mn.

Elle n'est pas praticable dans l'autre sens car les gardiens autorisent la sortie mais pas l'entrée. Bivouac au refuge de Kuelporr tenu par Dima (Dimitri) qui parle anglais et Katia qui parle français. Ambiance chaleureuse et familiale, restauration, chambres.
J19_ 160 km.
Réveil 10h00, nettoyage complet, lessive. Liaison goudron vers Revda. Bivouac.
J20_ 176 km.
Photos du mémorial Hawker Hurricane de Revda.

Piste facile (verte) montant vers les monts Lozovero.

Puis piste difficile (rouge) sur le plateau à travers les pierriers coupants.


Entre les rochers le sable est quelquefois saturé d'eau de fonte et devient quasi mouvant. Je m'enlise et je dois terrasser 1 h pour remblayer sous les roues.

Montée à pied au sommet.

Demi-tour et goudron vers Mourmansk. Bivouac.
J21_ 248 km.
Mourmansk, destination à déconseiller aux dépressifs ! Visite du mémorial et de la statue "Alyosha",

photos du brise-glace nucléaire Lénine.

Goudron vers Titovska, Photos de plusieurs monuments rappelant le sacrifice des soldat russes qui avaient surnommé ce secteur "la vallée de la mort".


Poste de contrôle des gardes frontières avant de bifurquer vers la piste éprouvante (verte) conduisant à la péninsule de Ribachiy. Bivouac au soleil de minuit.


J22_ 130 km.
Temps superbe vers la mer de Barents par la piste Est difficile (rouge). Nombreuses mares profondes vers le site de l'épave du cargo, invisible à marée haute !


Piste Centrale (rouge) avec un dernier gué profond, probablement évitable, vers le cap Niemetskiy, le "cap Nord russe" et dernier objectif de ce voyage.


Retour par la piste Ouest (bleue). Bivouac.

J23_ 103 km.
Piste (bleue) autour de la petite péninsule de Sredniy, un gué profond à côté d'un pont ruiné est évitable pour accéder aux rochers des "deux frères".

Plus loin, attention aux deux passages sur des plages recouvertes à marée haute.
Batterie d'artillerie côtière de 152 mm.


Visite du petit musée créé à l'initiative de Youri qui collectionne les vestiges des combats de l'isthme.

Début de la "piste des allemands" (bleue) avec des ponts ruinés à éviter en passant dans les torrents.

Dernier bivouac russe.
J24_ 167 km.
Liaison sur le goudron vers Nikel et la Norvège. Camping Kirkenes.
Quatrième partie.
J'ai désormais du temps libre et j'ai effectué le retour en 3 semaines en visitant la Norvège. Pour les plus pressés, il est possible de revenir en France en une semaine en passant par la Finlande et un ferry vers les pays baltes. Une autre variante est envisageable par la Suède vers le Danemark.
La préparation du véhicule pour les pistes les plus difficiles de la péninsule de Kola.
Un schnorkel permettant de passer un gué de 1,2 m minimum et une paire de cuissardes pour reconnaître les passages noyés.
Des pneus tout-terrain. Un treuil ou tirfor avec une cinquantaine de mètres d'allonge. Un jeu de plaques n'est pas superflu.
Rouler avec au moins deux véhicules pour affronter avec sérénité les plantage ou les pannes. Les russes évitent autant que possible de rouler seuls sur ces pistes qui sont d'un niveau de difficulté probablement au delà des capacités d'un véhicule de voyage standard. Je suis satisfait de les avoir parcourues, mais je ne souhaite pas renouveler l'expérience avec un seul véhicule.
Un fourgon aménagé ou une cellule apportent un confort appréciable pour affronter les moustiques et le mauvais temps. Certains matins, la température est descendue à 5°C.
Les formalités administratives.
Permis international.
Visa de 30 jours maximum avec une entrée sur le territoire et un "voucher " (lettre d'invitation). Depuis 2015, la Russie exige une assistance rapatriement de 30 000 Euro que les cartes de paiement standard de garantissent pas. Ces deux prestations peuvent être fournies par des sociétés spécialisées. J'ai utilisé Action- visa dont je suis satisfait.
Une assurance auto qui couvre la Russie.
La douane.
Entrée 2 heures.
Premier poste : garde frontière.
Contrôle du passeport et remise du document "voucher" en russe et en anglais à remplir en anglais.
Deuxième poste : police.
Ouverture du véhicule pour vérification du nombre de passagers.
Rendre le "voucher" complèté et le passeport pour saisie des informations. CONSERVER LE VOUCHER.
Troisième poste : douane.
Fouille des bagages.
Demander le document de déclaration d'importation provisoire du véhicule, le remplir pour saisie des informations.CONSERVER LE DOCUMENT.
Sortie 20 mn.
Rendre les 2 documents.
Fouille du véhicule et des bagages.
Zones interdites ou d'accès limité.
Il subsiste une demi-douzaine de "ZATO" interdites aux étrangers sans autorisation d'accès théoriquement délivrées par le "FSB". Elles concernent des garnisons militaires sensibles au nord de Mourmansk et sur le rivage de la mer de Barents dont l'accès est rigoureusement contrôlé.
Ente Mourmansk et la frontière norvégienne de grands panneaux d'information rappellent que la route est réservée au transit des personnes et des marchandises et qu'il est interdit de s'écarter de la route principale. Un premier poste de contrôle des gardes frontière se trouve avant le pont de la rivière Titovka, 200 m avant la piste qui conduit à la péninsule de Ribachiy. Ce contrôle et les permis d'accès avaient été supprimés en 2013 et j'ai été surpris d'apprendre qu'ils avaient été rétablis en 2015. Je suis passé outre et je n'ai pas été contrôlé. J'ai croisé de nombreux véhicules militaires et personne n'a semblé s'inquiéter de ma présence. Des russes m'avaient indiqué comment accéder à la piste discrètement en passant par le parking du motel qui se trouve de l'autre côté du pont. En cas de contrôle l'amende serait minime, quelques dizaines d'euros et les formalités limitées à un demi-journée d'immobilisation...
Préparation personnelle.
Apprendre l'alphabet cyrillique pour être capable de lire les panneaux et une cinquantaine de mots de base.
Acheter un anti- moustique dès votre arrivée. Gardex semblant être le plus efficace. Le vert pendant 3 à 4 h, le rouge pendant 6 à 8 h.
Navigation.
J'ai voyagé informatisé pour la première fois avec une tablette Samsung Galaxy 3 de 10" et la cartographie gratuite Maps.me. Avec la carte orientée dans le sens de la marche, j'ai suivi les itinéraires .kmz que j'avais soigneusement préparé avec GoogleEarth. Efficacité trés satisfaisante. La fonction "itinéraire" permet le guidage en complément du suivi de la trace .kmz si nécessaire.
Deux inconvénients.
L'instabilité de l'affichage à l'arrêt en mode "orienté dans le sens de la marche" et dans les tunnels.
La lenteur de l'affichage avec un zoom important en ville où les données sont trés nombreuses. Il est quelquefois nécessaire de s'arrêter deux ou trois secondes pour obtenir la carte complète.
Le support de tablette est fixé en deux points. Sur le pare-brise par une ventouse et un bras articulé RamMount. Sur le tableau de bord par une bande Velcro qui supprime les vibrations. Un GPS Garmin Nüvi 700 me donne une vue générale avec le Nord en haut et toutes les informations utiles.
WIFI.
Dans les villes russes, j'ai toujours trouvé des connection non protégées.
Les plus.
Le gazole à 0,65 €/l.
Un bonne préparation mécanique. Je n'ai eu à réparer que deux crevaisons lentes par pincement sur les pierres.
Un bonne préparation logistique. J'ai réalisé le programme prévu à 95%.
Les moins.
Les moustiques tant que l'on utilise pas de produits de protection.
La météo pourrie de l'été 2015 qui a augmenté le niveau des gués et détrempés les marécages.
Ce qui a manqué.
Un deuxième véhicule !
Une paire de cuissarde pour reconnaître les passages noyés dans l'eau glacée.
Un hi-lift pour lever rapidement le véhicule embourbé, et son accessoire "décolle pneu" pour faciliter les réparations des chambres à air.
Une corde plasma de 50 m pour compléter les 20 m de câble du Tirfor et les 7 m de sangle.
NB: LeTirfor de 1600 kg en direct a suffit, mais une poulie moufle est recommandée pour les solitaires !
Des protections latérales pour les bas de caisse et les ailes arrières.
Des phares LED étanches.
Démonter le support de crochet de remorquage.
Aménagement intérieur.
La peinture polyuréthane n'a pas resisté à l'usure aux points de frottements intensifs.Je vais essayer de coller des panneaux de mélaminé.