Vers l'est, le Danube coule

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euro6
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Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Bonjour,

en ce mois de juillet 2017, après plusieurs incursions en Europe du Sud-Est, nous décidons de reprendre à nouveau cette route.
Nous n'avons pas pu réserver un mois complet comme nous essayons de le faire chaque été, et nous ne disposerons donc cette année que de trois semaines.
Le fil de l'eau qui coule du Danube vers la Mer Noire sera le fil conducteur de notre balade, un prétexte pour rejoindre la Roumanie.


Vendredi 07 juillet 2017
Normandie - Touraine

Départ de Rouen pour rejoindre la Touraine où la chaleur confirme le début de l’été.
Une soirée entre famille et amis, une autre à la guinguette sur les bords de Loire, deux journées de transition avant le véritable départ qui marquera le début de notre escapade estivale.

Dimanche 09
Touraine - Mont Cenis

Nous débutons notre long parcours vers l’est à travers les régions Centre et Rhônes-Alpes. Nous nous arrêterons sous une pluie battante alors que la nuit tombe au Mont Cenis, pour un magnifique bivouac tranquille auprès du lac, à l’endroit même où nous avions débuté notre escapade balkanique il y a deux ans. A cette altitude, la température est retombée à 11°C et cette première nuit fut fraîche et reposante.


Lundi 10
Mont Cenis - Postojna (Slovénie)

La frontière est franchie à quelques centaines de mètres de notre campement puis nous attaquons la traversée de l’Italie du nord par la descente du val de Suse. La journée entière sera consacrée à faire défiler les kilomètres d’autoroute en passant à proximité de Turin, Milan, Verone, Padoue, Venise, puis Trieste où nous pouvons quitter ce pays surchauffé pour enfin passer la frontière et entrer en Slovénie. La France et l’Italie étant maintenant derrière nous, je me sens enfin assez loin pour considérer que le voyage a vraiment commencé. Le rythme va pouvoir désormais changer pour passer progressivement du mode “trajet“ au mode “balade“. C’est en Slovénie que nous passerons notre seconde nuit, et plus précisément dans la région de Postojna, pas très loin de la région de Cerknica où nous nous étions également arrêtés pour la nuit après le Mont Cenis en 2015. La chaleur étouffante subie sur les routes italiennes va sensiblement se modérer dans les forêts slovènes. Pour notre première nuit balkanique nous choisissons le camping Pivka Jama où nous passerons une nuit calme après un dîner reposant à la terrasse du restaurant.

Mardi 11
Postojna - Vukovar (Croatie)

Ce matin, nous reprenons notre chemin en délaissant cette fois les autoroutes qui nous ont menés jusqu’ici, au profit des routes secondaires plus authentiques et quasiment désertées. Nous évitons la capitale Ljubljana pourtant très agréable mais que nous avons déjà visité dans un passé récent, pour rejoindre la Croatie plus directement à travers la campagne slovène.

Nous passons en Croatie sans nous arrêter à Zagreb déjà connue, et filons vers l’est par la route qui mène à Belgrade. Nous faisons une halte pour un déjeuner rapide à Jasenovac. A cet endroit était installé le plus grand camp de concentration de la zone balkanique, organisé et géré pendant la seconde guerre mondiale par les oustachis croates zélés supplétifs des nazis. Ici ont été incarcérées les minorités juives, musulmanes, tziganes et orthodoxes serbes raflées dans tous les Balkans. Encore aujourd’hui, les historiens ne parviennent pas à s’entendre sur des chiffres définitifs concernant le nombre de personnes enfermées et celui des victimes, mais il s’agit de plusieurs centaines de milliers. Cette réalité historique a longtemps été cachée par le pouvoir croate, et c’est d’ailleurs un des points de cristallisation du conflit en l’ex-Yougoslavie dans la dernière décennie du siècle passé. Un petit musée à été construit en 2014 seulement, soixante-dix ans après les faits, que nous ne serons que trois à visiter durant plus d’une heure, nous deux ainsi qu’une femme croate d’une cinquantaine d’années… Une sculpture monumentale fut érigée dans les années soixante, à l’emplacement du camp dont toute trace a aujourd’hui complètement disparu, sans faire référence directement à la responsabilité du pouvoir croate.

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Manard
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par Manard »

Bonsoir Francis,

Je te remercie de relater votre voyage :super: , là vous êtes maintenant en vacances, vous pouvez prendre votre temps pour découvrir des lieux qui vous sont méconnus et emprunts d'histoire récente

Bonne soirée

Bernard
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K_Anne_AK
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par K_Anne_AK »

Je sais que Casa n'est pas le lieu pour parler de ça, mais je suis stupéfaite de découvrir l'existence de ce camp...
Comment découvres-tu tous ces centres d'intérêt Euro6 ? J'ai relu récemment ton récit sur les pays baltes et j'avais déjà été impressionnée par tout ce que tu nous avais fait découvrir !
Merci, j'ai hâte de lire la suite du recit de votre balade :merci:
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

C’est ici, depuis notre départ, que la température a atteint son maximum en dépassant 35°C.
Nous reprenons la route vers l’est en la quittant à nouveau pour revoir Vukovar. J’étais déjà venu ici quelques années après la fin de la guerre. C’est en novembre 1991 que Vukovar fut la première ville attaquées par la JNA (l’Armée Nationale Yougoslave, en fait essentiellement constituée de forces d’origine serbe) appuyée par les milices para-militaires pro-serbes. La ville fut bombardée et sa population civile décimée.

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Un des symboles concrets qui permet de conserver la mémoire de ces évènements est le château d’eau situé à l’entrée est de la ville. Il fut systématiquement pilonné de centaines d’obus mais ne s’écroula pas. Des résistants courageux se chargeaient de remplacer sans relâche le drapeau croate qui flottait à son sommet à chaque fois qu’un tir le détruisait. La construction délabrée tint debout jusqu’après la fin de la guerre, et le bâtiment fut protégé en l’état pour ne pas oublier le calvaire vécu par les habitants de cette ville frontière. Aujourd’hui, depuis seulement mai 2017, des travaux sont entrepris pour faire de ce lieu un endroit de mémoire en consolidant et aménageant cette ruine symbolique.
Dans cette guerre fratricide, d’autres évènements tragiques ont eu lieu, et en particulier le massacre de 200 personnes à l’hôpital de Vukovar parmi le personnel soignant et les malades et blessés. Un mémorial est dédié à ces personnes, érigé sur le lieu où les corps ont été sommairement enterrés, dans un champ près de la frontière serbe. Un nouveau lieu a également été récemment aménagé dans la grange de la ferme d’Ovcara où ont été torturées et fusillées les personnes amenées ici depuis l’hôpital situé à quelques kilomètres. Sur ces deux lieux de mémoire, nous étions les seuls visiteurs.

D’une guerre à l’autre, les atrocités se suivent, même si les responsables ont changé de camp. Les orthodoxes serbes des années 1990 se sont vengés des catholiques croates des années 1940. Et puis ensemble, ils ont opprimés les musulmans bosniaques. Il semble bien que les religions ne soient que des prétextes à faire la guerre, depuis toujours, et encore maintenant.

Ici, pas de camping et pas vraiment d’endroit sympathique pour un bivouac a proximité de la ville. Un complexe “touristique“ flambant neuf financé par l’Europe est présenté sur le plan de la ville comme un lieu d’accueil pour les quelques cyclotouristes qui souhaiteraient faire le Danube à vélo. En fait, quatre huttes moderne doivent servir à cet effet mais semblent être plutôt régulièrement habitées par des autochtones. Pas de possibilité de camping sur place, interdiction confirmée par le personnel du resto-bar installé là. Nous attendons la tombée de la nuit et nous nous installons pour la nuit dans un recoin discret du parking. Malgré plusieurs allées et venues des locataires des huttes, nous passerons une nuit tranquille sous l’orage nocturne qui rafraichit l’atmosphère.
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fifitoy
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par fifitoy »

:super: super Francis
merci
Fifitoy Mauvais Génie :mrgreen:

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Y’a une route tu la prends.qu’est ce que ça coûte
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Mercredi 12
Vukovar - Belgrade (Serbie)

Nous passons la frontière à l’extrême pointe est de la Croatie, mais en choisissant la toute petite route qui reste rive droite plutôt que de traverser le Danube vers le nord. Ce fleuve est justement le prétexte à notre escapade cet été. Nous décidons de le suivre au plus près de son parcours depuis Vukovar jusqu'à son embouchure dans la Mer Noire. Nous reprenons ainsi une partie du trajet parcouru quelques années plus tôt par notre fils qui rallia l’Atlantique à la Mer Noire en suivant la Loire puis le Danube à vélo. Pas n’importe quel vélo puisque c’était un vélo couché, unique, construit de ses propres mains à partir de pièces de récupération trouvées à Cracovie. Sa monture originale le mena sans encombre jusqu’en Turquie, et retour. Après plus de six milles kilomètres parcourus, le vélo reste toujours prêt à repartir vers de nouvelles aventures.
Nous suivons de loin le fleuve en traversant les reliefs de sa rive droite qui nous offrent une large vue sur la plaine du nord et la grande ville de Novi-Sad.

C’est la première fois que nous visitons ce pays, avec, il est vrai, quelques a-priori et arrière-pensées sur ce peuple irrémédiablement lié à la guerre en ex-Yougoslavie et peut-être injustement confondu avec les dirigeants serbes de l’époque qui furent les agresseurs de ce conflit meurtrier.
La petite route de montagne qui surplombe la plaine nous offre un lieu pour une pause déjeuner agréable, en nous épargnant la chaleur torride de la vallée. Le long du trajet, nous tombons sur une tour de communication encore en ruines suite à un bombardement par des obus de l’OTAN tirés lors du conflit de 1999. La carcasse d’une des bombes est fièrement exposée, avec les commentaires anti-américains d’usage, au pied du bâtiment qui ne peut pas ne pas faire penser à cette sorte de double symétrique vu hier à quelques dizaines de kilomètres d’ici, de l’autre côté de la frontière…

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En fin d’après-midi, nous atteignons la capitale serbe où la température remonte vers des extrêmes. A l’entrée de la ville, et nous en retrouverons à l’identique à d’autres entrées de villes, un immense panneau publicitaire d’au moins douze mètres carrés glorifie l’actuel Président de Serbie, Aleksandar Vukcic qui n’est autre que le premier ministre de 2015 qui s’était invité à la cérémonie du vingtième anniversaire du massacre de Srebrenica le 11 juillet et qui s’était fait expulser du cimetière par la foule musulmane en colère, sous nos yeux.
Nous décidons d’établir notre base sur le seul terrain de camping de la ville (et peut-être même du pays…?), le “Kamp Dunav“, situé à l’entrée ouest de la ville. Il s’agit d’une surface réduite juchée sur une falaise surplombant le Danube, comportant quelques huttes défraichies et un bloc sanitaire correct, ainsi que deux arbres malingres pour seule ombre. Sous cette canicule, difficile d’envisager rester sans abri. Juste avant nous est arrivé un couple d’allemands voyageant en Defender 110 qui s’est installé sur le seul endroit plat et ombragé du terrain. Nous nous installons près d’eux. En fait, assez près pour bénéficier à la fois d’une zone horizontale et de la proximité de l’ombre parcimonieuse d’une haie clairsemée. Notre manoeuvre ne fut pas bien perçue, malgré la tentative d’approche et d’explication et notre recul d’un mètre. Finalement, nous replions le camp et décidons d’aller passer la soirée à la ville dont le centre est proche de quelques kilomètres.
Contre toute attente de ma part, Belgrade semble être une ville très agréable à vivre.
Il est reposant de se promener dans ces rues ombragées à l’abri de la chaleur torride, dans les quartiers pleins de vie et d’animation. Après quelques heures de déambulation et un dîner à la terrasse d’un restaurant de spécialités serbes dans le coeur de la capitale, nous rejoignons notre “Kamp“ où la température est retombée, non sans parlementer pour que le gardien accepte de nous ouvrir la barrière.

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Le “Certificat“ (Oudostoverenié, comme précisé en russe sur le document officiel signé par le “fonctionnaire“) établi l’après-midi par la responsable du camping, malgré son côté vintage qui rappelle l’administration centralisée qui régnait ici il y a trente ans, fut notre sésame pour faire comprendre que nous étions déjà inscrit pour dormir ici cette nuit. Nous reprenons aussi silencieusement que possible notre place près du Defender germanique, et passons une nuit apaisée sous un nouvel orage.
Modifié en dernier par euro6 le mer. 30 août 2017 18:36, modifié 2 fois.
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Jeudi 13
Belgrade - Ram (Serbie)

Ce matin nous prévoyions de visiter Belgrade et ses musées. Mais le Musée National est fermé pour travaux, et le Musée d’Art Contemporain est lui aussi fermé, mais depuis plusieurs années et pour des raison plus idéologiques, semble-t-il… Nous en profiterons donc pour prolonger la balade dans les rues du centre ville débutée hier soir.
Au cours de nos déambulations, nous tombons sur une immense banderole installée depuis visiblement déjà longtemps sur le parvis du Parlement de Serbie. Sur plusieurs dizaines de mètres de long et deux mètres de hauteur, le calicot produit par une association locale présente une partie de l’Histoire du pays en n’hésitant pas à déformer la réalité historique pour tenter d’accréditer ses thèses. Elle crée une confusion sur les faits historiques en minimisant le massacre de Srebrenica et en inversant les responsabilités. Il est très étrange de voir cette démonstration négationniste cautionnée par le Parlement serbe, visible en permanence en plein centre de la capitale.
Une anecdote a fini de me convaincre du fait que le peuple serbe n’est pas monolithique et a tout de même évolué depuis une génération. Le stationnement en journée, comme dans beaucoup de grandes villes, n’est pas très simple, et nous n’avons pas beaucoup de temps pour étudier en détail les meilleures solutions de parking. Nous trouvons un emplacement dans une petite rue commerçante très proche de l’hyper centre. Notre difficulté consiste maintenant à nous acquitter du règlement du stationnement. Rien ne permet de comprendre comment procéder. Je demande de l’aide en hélant un passant pour tenter de comprendre la procédure. La personne comprend rapidement notre problème et le règle très facilement en quelques clics sur son smart-phone. Il enregistre l’immatriculation du véhicule et crédite le système pour deux heures de stationnement, puis nous salue et continue son chemin en disparaissant au coin de la rue sans plus de dérangement en refusant tout défraiement pour ce cadeau de bienvenue en Serbie ! Merci à lui pour ce geste sympathique qui l’honore et change ma perception de son peuple.

Nous reprenons le cours du Danube en longeant sa rive sud.
Une pause près de Smederovo nous permet de déjeuner sur le bord du fleuve et de profiter d’une sieste réparatrice.

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Plus loin, nous nous écartons un peu du fleuve pour s’en rapprocher à Ram. Ce village est situé à l’endroit où le Danube cesse de couler en territoire exclusivement serbe pour devenir la frontière entre la Roumanie au nord et la Serbie au sud. Cette bourgade sympathique possède un embarcadère pour rejoindre le village situé en face, rive gauche. A la sortie du village, nous trouvons un endroit idéal pour passer la nuit à quelques mètres du fleuve. Nous sommes aux premières loges pour profiter du spectacle du coucher du soleil sur le grand fleuve européen.

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dakure
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par dakure »

Merci Francis!! ;-)
Ford Ranger simple cabine, K-Hutte 2.70 toit relevable complet.

Les pneus ça me gonfle, comptez 3 barres environ!Encore merci à mon prof de Français!
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Vendredi 14
Ram - Baile Herculane (Roumanie)

Réveil aux aurores ce matin pour suivre le majestueux lever de soleil sur le Danube. Une balade à travers les ruelles de ce village serbe nous met en forme pour continuer le périple vers l’est. Nous poursuivons la rive, Zatonje, Veliko Gradiste, Pozezeno, Vinci, Usije avec son poste frontière tout neuf et jamais mis en service, Golubac où nous ferons quelques courses, puis la visite de deux petits terrains de camping absolument vides.

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Le trajet de l’Euro-Vélo 6 permet de pédaler au plus près du Danube. Un peu plus loin, près du hameau de Boljetinsko Brdo, à l’écart de la route, nous nous posons au sommet d’une colline qui surplombe un méandre du fleuve pour une vue magistrale, mais en plein soleil. Le tarp tendu le long de la cellule nous créera quelque mètres carrés d’ombre pour un déjeuner et une sieste au calme sous la brise brûlante.

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A partir de là débutent les Portes de Fer, le défilé du Danube à travers les montagnes qui séparent la Serbie de la Roumanie. Le fleuve serpente dans un canyon qui peut rappeler les images de fjords norvégiens. Sur quelques dizaines de kilomètres, la route suit la rive droite avec quelques beaux points de vue sur la rive gauche, comme ce visage monumental sculpté dans la falaise côté roumain.

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Plutôt que de poursuivre la rive sud qui nous mènerai directement en Bulgarie, comme envisagé au départ, nous changeons nos plans et traversons le Danube vers la Roumanie en utilisant le barrage de la centrale hydro-électrique qui sert de point de passage entre les deux pays. Cet ouvrage d’art fut bâti dans les années soixante, à une époque où le rapprochement serbo-roumain était d’actualité.
Du coté nord du Danube, la route est de bien meilleure qualité que du côté sud ! Le trafic est également bien plus chargé. Nous remontons le fleuve à contre-courant jusqu’à Orsova, puis nous nous dirigeons plein nord dans la vallée qui nous mène à Baile Herculane. Cette petite ville fut autrefois une cité balnéaire reconnue et appréciée mais a largement perdu de sa superbe aujourd’hui. Un boui-boui infâme, quoique pittoresque dans son genre, nous permettra une pause déjeuner succincte. Nous remontons la vallée à la recherche d’un endroit pour passer la nuit. La rivière encaissée ne laisse pas trop d’espace pour se poser. Nous opterons pour une aire naturelle de camping déjà occupée par deux tentes familiales. En début de nuit, de nouveaux arrivants viendront perturber un peu le calme et surtout créer un peu d’inquiétude en alimentant un feu de camp aux flammes gigantesques bien imprudent avec cette sécheresse redoutable, dans une vallée encaissée difficile d’accès aux éventuels secours qui plus est… Peut-être était-ce une façon de célébrer notre fête nationale, en l’honneur de notre présence en ces lieux improbables…? Un petite pluie a fini par calmer les ardeurs de nos voisins remuants pour nous réserver une nuit tranquille.
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LumaRodeur
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par LumaRodeur »

Bonjour,

Super ce CR, cela donne envie de repartir. :super:

Les pays de l'Est, c'est une idée que nous allons creuser rapidement. :pelles:
Nous avons vadrouillé en Républic Tchéque, Albanie, Monténégros,
Et maintenant, bien tenté par Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Slovénie etc...

Dans un avenir proche nous voudrions aussi découvrir les pays du Nord.
Pologne, Lituanie , Estonie , Lettonie, Islande.

Il faut que l'on potasse ces deux sujets, on est pas au chômage demain.
En temps utile on reviendra vers toi pour les "détails techniques".
Bravo encore. :bravo:
Bruno
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Samedi 15
Baile Herculane - Lac Oasa (Roumanie)

Ce matin, nous quittons le goudron pour attaquer la piste vers Cerna Sat. Après le village, la piste continue jusqu’au mur du barrage-poids du lac Iovan. Ensuite, des panneaux indiquent que la circulation est interdite. Le gardien du barrage a qui nous demandons des informations nous indique que cette interdiction de circulation n’est valable que l’hiver ou en cas d’éboulements. Au vu de notre véhicule, il nous confirme que nous pouvons emprunter cette piste qui est en état et nous indique les directions à prendre aux trois principaux embranchements que nous rencontrerons sur les 41 kilomètres à venir. Cette piste qui contourne le lac et permet de rejoindre en amont le hameau de Camp lui Neag puis le village de Uricani est la route 66 A !

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Une pause déjeuner à un carrefour nous fait rencontrer trois motards hongrois qui descendent vers Cerna Sat. A part ces motos, nous ne croiserons sur ce trajet que deux véhicules, un pick-up Ford Ranger et une Dacia 1300 antédiluvienne. La piste est plutôt confortable sauf en quelques tronçons sur plusieurs kilomètres qui sont très humides et qui présentent une succession de très grandes flaques d’eau boueuse dont certaines peuvent être de véritables bourbiers piégeux à qui n’y prendrait pas garde. Ce fut un des rares endroits au cours de ce voyage où j’ai pris la précaution d’engager la traction sur le train avant.
Ce trajet fut bien intéressant pour le plaisir de la conduite, tranquille pour quelques kilomètres de balade à vélo, mais assez frustrant pour les paysages inexistants au milieu de cette forêt dense.

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A Petrosani, au sortir de cette longue piste, nous complétons le ravitaillement au supermarché. Cette enseigne low-cost allemande au logo qui reprend étonnamment les trois couleurs du drapeau roumain est particulièrement bien implantée sur ce territoire rural encore peu pourvu.
Nous finissons par nous poser sur les rives du lac Oasa déjà occupé par quelques campeurs et pêcheurs, sans aucune surpopulation vu la taille du lac. Nous repérons un couple avec trois jeunes enfants qui ont installé leur vénérable fourgon Merco à distance de la rive sur un endroit plus plat. Nous demandons à cette famille venue de République tchèque (et non de Tchécoslovaquie comme je leur demande un peu trop vite en me maudissant d’avoir proféré cette erreur impardonnable, mais qu’ils me pardonnent tout de même…) si nous pouvons nous installer pour la nuit sur un endroit à peu près plan à une cinquantaine de mètres de leur véhicule. L’endroit est très calme et reposant, à part une tente un peu plus loin d’où s’échappe la mélopée roumaine la plus courante par ici, faite d’un mélange de chants traditionnels relevés de sonorités plus électroniques sur un entêtant rythme chaloupé caractéristique. La musique s’estompe rapidement, et seul un feu de camp un peu violent près de la forêt me soucie un peu, avant que le soleil ne fasse rougeoyer les collines autour du lac et que la nuit ne tombe et nous emporte dans un sommeil profond.
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Dimanche 16
Lac Oasa - Saliste (Roumanie)

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Réveil en douceur au bord du lac, avec bain avant l’orage, puis nous partons visiter la cité historique de Alba Julia. Cette ancienne place forte de type Vauban a été entièrement restaurée, et l’ensemble tout pimpant a malheureusement perdu beaucoup d’authenticité, comme le restaurant aux abords de la grande place vide centrale qui est aussi froid que les plats sont sans saveur.

Cette journée sera consacrée au repos après tous ces kilomètres accumulés depuis une semaine. Nous recherchons un camping afin de procéder à une lessive complète qui permettra de renouveler le linge pour la semaine à venir. En effet, nous avons pris l’habitude de partir avec un stock de vêtements permettant dix changes au maximum. Cela impose donc de faire quelques lessives en route à intervalle d’une semaine environ. Nous n’avons pas pris avec nous le fameux bidon étanche qui fait la lessive tout seul pendant qu’on roule, alors il faut s’organiser. Nous nous arrêtons à Saliste, sur la route de Sibiu où nous nous rendrons demain. Le petit camping Salisteanca de sept places seulement nous accueille. L’endroit, facile à repérer puisque l’entrée est juste sous le nid de cigognes, est simple et offre un confort correct pour notre halte, et en particulier un lave-linge bien utile. Cet endroit fait penser aux petits campings tous regroupés dans la rue Trojska, en banlieue proche de Prague. Ils sont installés dans le terrain derrière une maison particulière dont le propriétaire accueille ainsi quelques campeurs en mettant à disposition des sanitaires et commodités pour un court séjour bien agréable. Arrivés assez tôt en prévision de la lessive à faire, nous avons pu nous reposer un peu, et visiter ce petit village qui recevait justement ce jour-là le marché hebdomadaire.

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Le lavage fut parfait, mais le séchage problématique car le temps caniculaire qui sévissait ces derniers jours a décidé de cesser pour faire place à un temps maussade et gris, et donc sans beaucoup de soleil. Il y a quelques jours, une demie-heure aurait suffi à sécher nos kilos de linges, mais aujourd’hui, la nuit sera tombée avant que tous les vêtements ne soient secs.
Pendant la nuit, un branchement sur secteur permet de rebooster notre batterie qui manque aussi de soleil.
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Lundi 17
Saliste - Monts Fagaras (Roumanie)

Au réveil, le soleil est timidement revenu, mais notre linge est étendu à l’ombre. Notre voisin hollandais nous propose de nous faire bénéficier de son étendoir à linge exposé au soleil pour parfaire le séchage. Nous quittons ce charmant village, refaits à neuf pour une nouvelle semaine d’escapade.

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Nous visitons rapidement Sibiu où je m’étais déjà rendu il y a quelques années lorsqu’elle était capitale européenne de la culture. C’est d’ailleurs grâce à ce statut obtenu en 2007 que cette ville est sortie de sa léthargie et est devenue cette superbe cité à découvrir absolument. Un déjeuner dans un restaurant agréable sur la grande place centrale qui ferait presque penser à Prague nous revigore. Nous voilà prêts pour traverser la chaîne montagneuse des Carpates Méridionales par la route des monts Fagaras qui regroupe les plus hauts sommets de Roumanie. J’avais tenté d’emprunter cette même route en 2007, mais en fin d’hiver et la route était fermée pour cause de neige avant le col et m’avait obligé à rebrousser chemin vers l’est plutôt que vers le sud.

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Cette belle route de haute montagne serpente dans un paysage somptueux jusqu’au petit lac Bâlea situé près du col, à l’entrée du tunnel qui passe sous les Fagaras dont les sommets culminent à plus de deux mille cinq cents mètres.
Une aire naturelle est prévue pour recevoir les campeurs, mais l’endroit manque de charme et nous préférons redescendre un peu plus bas dans la vallée pour nous engager sur les pâturages accueillants. A l’endroit que nous choisissons pour la vue, la discrétion depuis la route et la proximité d’une bergerie, une voiture est déjà stationnée. C’est une petite fourgonnette Opel immatriculée en Pologne. Nous installons notre voiture au mieux pour obtenir un plancher horizontal. Ce rituel désormais quotidien n’est pas forcément simple sur ces reliefs pentus. Au cours de ces manoeuvres, par manque d’attention due à la fatigue, en reculant je détruis l’escalier d’accès pour avoir omis de le replier. En appui au sol, il a joué le rôle de cric en soulevant la voiture, mais une des pattes à fait fusible et s’est complètement pliée sous l’effort. Cela m’était arrivé une première fois il y a déjà longtemps, et je pensais que cela ne m’arriverait plus. Erreur ! Tel un forgeron, je me suis appliqué à redresser ce tube en alliage d’alu en le frappant méthodiquement à l’aide d’un marteau sur une pierre me servant d’enclume. Je réussis à lui redonner une forme, différente de celle d’origine, mais néanmoins acceptable afin que la pièce puisse continuer à faire son office pour le reste du voyage, sans pouvoir toutefois être réglée en hauteur désormais.

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Nous avisons le berger qui fait paître son troupeau un peu plus loin et lui expliquons que nous souhaiterions passer la nuit à cet endroit, s’il en est d’accord. Malgré l’absence de langage commun, sauf peut-être quelques mots de russe qui semblent résonner en lui, il comprend parfaitement notre demande et nous invite à rester en ce lieu. Il est accompagné de trois superbes chiens qui semblent nous accepter de bonne grâce également. Le troupeau de brebis et ses quatre gardiens se replient vers la bergerie à environ deux cents mètres de là où un enclos regroupera les bêtes pour la nuit. Nous voilà rassurés et nous pouvons prendre le repas devant un paysage exceptionnel, en restant à l’abri tout de même car il ne fait que 11°C.

Sur la route, en venant dans ces montagnes, nous avions repéré un véhicule de voyage fait pour rêver, une cellule de quatre mètres posée sur un robuste châssis Unimog et habitée par un couple d’allemands chanceux. Ce véhicule exceptionnel était stationné pour la nuit, tout au bord de la chaussée sur une étroite place de stationnement ménagée dans un lacet de la route. J’avoue que j’ai apprécié notre emplacement de bivouac bien plus agréable que le leur, malgré (ou grâce à) la petite taille et l’agilité de notre modeste véhicule de voyage.
Le sommeil fut lourd et bienheureux, jusqu’à ce qu’une perturbation nous réveille en pleine nuit. D’après ce que nous avons pu identifier par les sons uniquement, un ou deux individus se sont approchés et ont tenté l’ouverture du véhicule, ou de la trappe à carburant, ou d’un coffre de la cellule. La lumière subitement allumée et le mouvement dans la cellule les a interrompu dans leur action. Presque aussitôt nous avons entendus les chiens de berger se manifester bruyamment et les courser, ou du moins les inciter à rejoindre rapidement leur véhicule garé un peu plus loin sur la route et que nous avons entendu démarrer et s’enfuir. Le tout n’a duré que quelques secondes, une minute peut-être, mais fut tout de même intense. Il est certain que je n’aurais pas aimé être à leur place et me retrouver, dans la nuit noire, face à trois solides gaillards aboyant fort et décidés à ne pas me laisser faire ce dont j’avais envie…! Tout est très vite rentré dans l’ordre une fois la voiture éloignée, les chiens se sont tus et sont sagement retournés se coucher près de leur maître. Nous nous sommes rendormis également, un peu moins vite qu’eux, peut-être.
C’est aussi cette nuit que notre fille arrive à Bucarest.
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Pierre
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par Pierre »

Francis,
Quel plaisir de te lire, au jour le jour, depuis notre camp au sud des monts Faragas et de la route de montagne que nous avons bêtement loupée en prenant la route de Sibiu vers Ramnicu Valcea, route très fréquentée avec quelques conducteurs qui ne connaissent pas les "défense de dépasser".
Toutes tes explications sur le 66a nous font renoncer à la suivre, mais je sens que le désir de revenir en Roumanie, dans tous ces villages et ces montagnes, va se faire de plus en plus pressant à mesure que nous nous en éloignerons
Mais il faut penser à rentrer vers l'ouest un jour nous aussi dead
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Bonsoir,

le temps est toujours trop court quand on se sent bien quelque part...
Dommage, la piste 66A vous aurait plu.
Vous êtes au sud des Fagaras, mais plus précisément où, Pierre ?
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par Pierre »

Depuis midi nous sommes sous la pluie près de Targu-Jiu en direction du Danube et en route vers la Serbie
Ce soir on vise un parking signalé à Drobeta par "parc4night" qui semble s'avérer parfois bien utile en voyage
@+ Pierre
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Bonjour,

tu verras, Pierre, dans les pages suivantes que je suis passé, et me suis arrêté, à Targu Jiu, sur le retour vers la Serbie, moi aussi...
Notre fils qui était en Italie a utilisé les services de Park4night pour ses arrêts, et nous en a dit le plus grand bien également.
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Pierre
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par Pierre »

Ce soir le parking de Park4night était fermé par des barrières avec un policier municipal devant dans sa voiture
Nous lui avons demandé si nous pouvions passer la nuit derrière son véhicule mais il nous envoyait vers un hôtel. Je lui ai montré l'intérieur de la cellule par la porte arrière avec les toilettes et il m'a dit "ecologic no problem". "mouton2"
Bonne nuit
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Re: Vers l'est, le Danube coule

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Mardi 18
Monts Fagaras - Corbeni (Roumanie)

Ce matin au réveil, le troupeau, le berger et ses chiens ne sont plus là. Les voisins polonais qui dormaient dans leur voiture à proximité sont partis également. Nous n’en saurons donc pas plus sur les évènements qui se sont déroulés cette nuit.
Nous nous équipons pour une petite randonnée jusqu’au cirque qui nous surplombe. Au retour, avant de quitter nous aussi les lieux, nous préparons un petit mot à destination du berger. Un dessin de notre cellule, des moutons et un chien patou, avec quelques mots simples pour rappeler notre passage, ainsi que deux bières serbes que notre hôte de la nuit pourra déguster ou partager ou offrir. Nous penserons longtemps à cet homme, à son hospitalité simple et à la protection de ses chiens qu’il nous a offert sans contrepartie.

Nous continuons la route des Fagaras en traversant le tunnel qui mène au versant sud de la montagne, et nous empruntons une piste qui s’enfonce dans une vallée adjacente pour y trouver un havre de paix complètement isolé du circuit des touristes qui vont et viennent sur la grande route.

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Une seconde petite marche en fond de vallée nous reconnecte avec cette nature encore préservée.
Là aussi nous rencontrons un troupeau de brebis accompagné de deux bergers et de leurs trois chiens patou. De manière générale, je n’apprécie pas beaucoup les chiens, mais ces animaux qui travaillent dans la montagne sont vraiment d’une autre trempe. Ils sont d’un calme impressionnant, pas du tout agités en présence d’inconnus, ils accomplissent méthodiquement leur tâche avec une assurance étonnante, ils se déplacent à l’économie, sans excitation énergivore, ils semblent sûrs d’eux et comme conscients de leur propre animalité, ils vivent à un rythme décalé, hors de l’agitation du monde et en symbiose avec leur milieu.
La pause déjeuner dans ce paysage hors du temps est comme une parenthèse dans le cours de la vie qui passe. Nous redescendons de ce chemin en cul-de-sac pour retrouver la route que nous quittons encore juste avant le lac Vidraru.

Image

Là nous empruntons la piste qui longe la rive ouest pour contourner le lac sur une vingtaine de kilomètres et rejoint la route au barrage après avoir traversé un tunnel. C’est sur ce chemin, bien humide par endroits, que nous tomberons à un embranchement sur une piste interdite à la circulation pour cause de présence d’ours dans les parages.
Près de Corbeni, nous nous arrêtons dans une pension qui accepte de nous héberger pour une nuit. Quelques huttes sont installées près de la maison du propriétaire, le reste du grand terrain étant constitué d’un verger de pommiers au milieu desquels nous trouverons un emplacement assez plat pour y loger notre voiture.
Nuit parfaite, sans tomber dans les pommes.
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euro6
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Re: Vers l'est, le Danube coule

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Mercredi 19
Corbeni - Bucarest (Roumanie)

Nous partons ce matin pour rejoindre la capitale où nous avons rendez-vous. Vers midi nous retrouvons notre fille au Musée National d’Art Roumain, puis nous fêtons nos retrouvailles sur la terrasse du restaurant « Mama », au centre de Bucarest, pour un repas de cuisine traditionnelle roumaine.

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Nous visitons ensuite les expositions permanente et temporaire du Musée National d’Art (voir ci-dessus "Portrait de Tiganca", par Nicolae Grigorescu, MNAR), puis continuons notre journée par une longue balade dans les rues de la ville. Nous terminons la visite par le tour de l’immense Palais de la (Dictature) Présidence, aujourd’hui siège du Parlement. La plupart des quartiers anciens ont été rasés par Ceaucescu pour construire sa capitale de béton moderne. La ville y a perdu son âme et peine aujourd’hui à recréer une ambiance chaleureuse.

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Le soir venu, nous nous installons au seul camping de Bucarest qui présente l’avantage d’être pratique mais ne possède absolument aucun charme si ce n’est son côté vintage suranné avec ses huttes aux couleurs délavées faussement joyeuses et ses infrastructures au parfum de béton soviétique. Sans compter le vibrionnant accueil ménagé par une nuée de moustiques voraces. Pas de connexion possible au secteur pour notre batterie qui aurait bien besoin d’un coup de boost, d’autant plus que nous sommes sur une zone ombragée inaccessible aux rayons du soleil pourtant encore puissant. Des voisins et leur chien, exact contraire du patou des bergers, au comportement assez désagréable, perturbent la sérénité du lieu. Tout pour déplaire.

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Jeudi 20
Bucarest - Lopatari (Roumanie)

Plein d’eau et vidange de la cassette des toilettes terminés, nous quittons la capitale vers le nord-est en direction de Buzau, porte d’entrée de la région des Carpates sud. La route nationale E85 est typique d’une certaine catégorie de routes roumaines au fonctionnement inconnu chez nous. Nous les avions déjà pratiquées, mais s’y trouver à nouveau fait vite revenir des souvenirs désagréables. La route est une chaussée à deux voies sans terre-plein de séparation. Jusque là, rien de particulier. Au-delà de la bande discontinue qui marque la limite de chaussée sur la droite de chaque voie, une bande revêtue, large d’environ deux mètres, borde la route, telle une bande d’arrêt d’urgence d’autoroute. La présence de cette bande peut éventuellement s’expliquer par l’habitude en Roumanie de voir encore couramment circuler des charrettes hippomobiles, même sur le réseau de routes nationales. Ce serait donc un moyen de permettre à ces véhicules lents de rouler sur la zone latérale sans perturber le trafic des véhicules plus rapides. Les charrettes à chevaux restent maintenant plutôt cantonnées sur le réseau de routes secondaires ou rurales. Les usagers considèrent désormais que cette route à 2 x 1 voie s’utilise comme une route à 2 x 2 voies en faisant de cette bande d’urgence une voie de circulation à part entière, et obligent ceux qu’ils trouvent trop lents à rester sur ce bas-côté. Cela engendre une circulation très dangereuse, car les automobilistes pressés dépassent les véhicules par la droite, ou bien par la gauche mais en les poussant pour les ramener à droite, les dépassements se font en force en obligeant le véhicule arrivant en face à se pousser sur ce bas-côté,… La conduite sur ce genre de voies est éprouvante et stressante. Je ne comprends pas comment il est possible que ces routes dangereuses existent encore.

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Nous évitons Buzau et rejoignons le site Vulcani Ioniori où l’activité volcanique crée des solfatares sur une zone de quelques hectares. Plusieurs marmites de boue sont agitées par la montée de bulles de gaz qui éclatent à la surface et font déborder le mini cratère en constituant un cône de boue séchée. Le phénomène est similaire à ce que l’on peut voir sur le site de Namafjall en Islande, en moins grandiose.
Au-delà de cette zone, la balade se poursuit en empruntant pistes et chemins à la recherche des gisements de sel, près de Lopatari.
Un chemin aux ornières profondes déclenche le "détecteur de dévers" (bi-tons depuis hier...). Notre collection de griffures et rayures en tous genres sur la carrosserie de la voiture et celle de la cellule, déjà augmentée de quelques spécimens lors de passages étroits en Serbie, s’est enrichie de signatures roumaines.
Nous choisissons un petit coin de pré isolé avec vue pour établir notre bivouac. Quelques dizaines de minutes après notre arrivée, un villageois passe sur le chemin, puis un autre, puis encore un autre, puis le premier repassera. A chacun d’entre eux, nous demanderons si nous pouvons passer la nuit à cet endroit, et chacun nous répondra par l’affirmative. Nous nous installons pour la fin d’après-midi et la soirée. Les deux vélos sont opérationnels pour une petite virée sur les chemins alentour. La nuit fut parfaite.
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Vendredi 21
Lopatari - Pietroasele (Roumanie)

Lorsque nous nous réveillons, les agriculteurs sont déjà au travail dans le bas du pré, à ramasser le foin coupé pour en faire des meules.

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Nous continuons les pistes vers le site de Focul Viu. Le sentier débute sur le bord de la piste, par une passerelle de bois qui constitue le terrain de jeu de quelques enfants qui pataugent dans l’eau et la terre poussiéreuse.

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Une petite balade nous conduit jusqu’à l’endroit, perdu dans les collines, où le gaz sourd de la terre et s’enflamme naturellement et continuellement au sol. Durant la montée, sur le parcours (non signalisé) nous cherchons notre chemin et sommes amenés à passer près d’une bergerie. N’ayant pas été présentés, notre présence fut peu appréciée des chiens qui gardaient l’enclos. Trois d’entre eux s’en sont pris à Dominique qui a su faire preuve de courage et de force mentale pour leur faire face, et convaincre le dominant de ne pas s’attaquer à elle. Le berger est finalement intervenu pour faire cesser le manège agressif de ses animaux.
Malgré la pluie qui s’est mise à tomber, le feu de la terre reste actif. Nous redescendons nous sécher à la voiture, pour continuer la piste et rejoindre la vallée du Buzau. A Magura, près d’un monastère, les collines sont couvertes de centaines de statues de pierre pour constituer le plus grand parc naturel de statues connu. Chaque année, pendant seize ans (de1962 à 1978), seize artistes étaient sélectionnés pour fournir une oeuvre présentée dans ce parc. Ces 256 statues sont un témoignage édifiant de l’art officiel durant la période communiste de l’ère Ceaucescu.
Nous terminons la visite de cette petite région agréable et délaissée (aucune mention par exemple dans le Lonely Planet), par une nuit dans la pension Butaie à Pietroasele. Durant nos déambulations nous nous disions qu’il serait intéressant de visiter un producteur local dans cette région vinicole réputée afin de déguster le vin roumain. D’une pierre deux coups, puisque la pension qui nous accueille est justement la propriété d’un viticulteur. A peine installé d’à plomb dans la cour de la ferme, avec vue sur la plaine de Valachie, Andrea, la jeune fille de la famille nous organise une visite des lieux et de la cave, ainsi qu’une dégustation de quelques uns des produits typiques de cette production locale. Le vin est assez déroutant pour nos palais déformés par les standards commerciaux des marchés occidentaux. La fraicheur de la cave est bienvenue pour décharger l’excès de chaleur supporté tout au long de cette journée.
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par K_Anne_AK »

Pas forcément sympa, ces chiens....heureusement, réconfort avec la production locale ! :alcool1:
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Bonjour,

les chiens errants, dans tous les Balkans, mais en particulier en Roumanie deviennent un problème endémique.
Dans ce cas particulier, ces chiens n'étaient pas à proprement parler errants, mais plutôt mal encadrés.
Une de mes plus "belles" peurs s'est produite lorsque je me suis retrouvé seul devant une meute de chiens livrés à eux-mêmes dans un coin assez sordide de Bosnie-et-Herzégovine il y a plus de dix ans. C'était le début de soirée, le soleil était presque disparu, et la meute d'une douzaine de bêtes environ se précipitait vers moi depuis le fond d'une grande esplanade dégagée. Je dois mon intégrité au fait que j'ai pu me réfugier dans ma voiture. Je n'ose imaginer ce qui aurait pu se produire si je n'avais pas eu cet abri, sachant que je ne me sentais pas spécialement en position de force pour affronter cette attaque...
Ces animaux ne sont pas toujours agressifs, mais s'ils sont à la recherche de nourriture, il peuvent devenir plus téméraires.

Pour ce qui est de la production locale, tout n'est pas réconfortant... Les fruits et légumes sont en général très bons, mais le vin n'est pas toujours excellent, en tous cas pas celui bu ce soir là. Nous en dégusterons de meilleurs plus loin.
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Re: Vers l'est, le Danube coule

Message par euro6 »

Samedi 22
Pietroasele - Murighiol (Roumanie)

La douche matinale est fraîche. L’eau fournie par un chauffe-eau solaire n’a pas encore récupéré les calories perdues durant la nuit. Nous continuons vers l’est, en direction de la Dobroudja où nous retrouverons le Danube que nous traversons à Braila sur un bac qui n’effectuait visiblement pas sa première traversée…

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Nous traversons la Dobroudja du nord par la route nationale 22D dans un paysage qui nous fait rêver à la Turquie, avec pause déjeuner et sieste sous l’ombre reposante d’une forêt de chênes bas, à proximité du village General Praporgescu.

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Notre objectif est de rejoindre le village de Murighiol où nous prévoyons de camper chez “Dan Pescarul“ (Dan le Pêcheur), un petit terrain de camping de neuf emplacements qui sera le point le plus oriental où nous poserons les roues de la cellule. Au loin, la Mer Noire s’étend jusqu’à l’horizon. Un de nos projets est de tenter d’en faire un jour le tour complet. Nous aurons donc probablement l’occasion de revenir dans ces contrées d’ici quelques années.
L’arrivée assez tôt dans cet endroit accueillant nous fournit l’occasion de procéder à la seconde lessive du voyage. Le lave-linge se charge du lavage, le soleil se chargera du séchage. Plein d’eau et bon repas nous mettent en forme pour attaquer la journée suivante. Nous nous inscrivons auprès de la propriétaire du camping qui organise également des “expéditions“, pour un tour dans le delta du Danube tout proche. Elle établit également nos permis d’accès à la réserve biosphère du delta.
La nuit tombe assez vite, avec son concert d’aboiements au loin.
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