Argentine Chili 2019

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Olivier Crasquin
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Argentine Chili 2019

Message par Olivier Crasquin »

Carnets de route envoyés à la famille pendant la première session de deux voyages en Amérique du Sud en 2019.
Voici les premiers carnets, les autres à suivre...

VOYAGE 2019

Carnet de route n°1 - Montevideo - Uruguay

Les Amis,
Ce n’est pas le chant du départ mais sans doute une petite musique pleine de promesses qui met en joie et excite l’imagination. La musique du voyage, de l’imprévu, de l’ailleurs et du rêve.
Après deux ans de « méditation » Christine a souhaité repartir en Amérique du sud. Mais sud sud. Pas de vertiges péruviens au programme... Avec Anne et Jean Louis nous venons de récupérer les voitures à Montevideo pour filer dés demain vers Ushuaia.
Et l’imaginaire est comblé puisque la première étape nous emmène à Colonia del Sacramento.
Rien que le nom est une gourmandise. C’est bien sûr une histoire de chicanes hispanoportuguaises.

C’est donc reparti pour une balade sud-américaine de trois mois entre Argentine et Chili. Puisqu’il faut rattraper deux ans au garage une deuxième session est prévue en automne.
Et je reprends l’habitude de vous raconter nos tribulations, découvertes, émotions et coups de coeur.
Ca commence fort puisque j’ai bavardé avec un mendiant polyglotte, une demimondaine brésilienne fan de Bolsonaro et un top modéle cocaïnomane déchu... Le voyage ouvre l’esprit et attise la curiosité.
Bonne année à toutes et tous.

Christine & Olivier

Carnet de route n°2 - Rio Grande - Tierra del Fuego - Argentine

Le soleil dans le dos et le vent dans le nez nous descendons vers le sud. Monotone cette ruta 3 dont les interminables lignes droites se perdent dans l’horizon le long de
la côte atlantique. Un écart sur la péninsule de Valdés qui sur les cartes ressemble à une verrue. On y voit éléphants et lions de mer. Grosses bêtes puantes, éructantes et maladroites qui dans l’eau retrouvent un semblant de grâce. Les baleines ont déjà migré vers l’antarctique.
Nous reprenons nos habitudes dans la trapanelle qui encaisse les kilomètres comme nous les années; avec fatalisme et bonne humeur. Quittant la maison de Fouquereuil la surface habitable est divisée par 55. L’exiguïté de la «casa rolante » nous ouvre les grands espaces. Nous y avons déjà passé plus de deux ans.
Sur les pistes longeant la côte des panneaux préviennent qu’il y a des animaux en liberté. L’idée d’en faire partie en tant qu’animal qui essaie de penser me convient. Sauter les clôtures et aller vivre ses rêves sans autres contraintes que celles choisies et acceptées, c’est un peu l’idée du voyage.
De nombreux guanacos divaguent au bord de la route. Gros comme une biche la bête, pas encore encombré par la pensée, traverse à son gré...
Les pingouins de Punta Tombo sont indifférents aux commentaires des visiteurs. D’une démarche que l’on a connue présidentielle ils se dandinent du nid à la mer, du lit à l’assiette imperturbables et obstinés. C’est touchant.
Bivouac de rêve au bord d’une plage. Une goutte de mirabelle de Signy et le ciel tourmenté de nuages s’embrase dans l’incendie du couchant. Un spectacle à rendre fou un peintre. Nous verrons d’autres couchers de soleil grandioses. C’est une spécialité des contrées extrêmes. Peut-être à cause d’un air très pur?
La gentillesse des argentins est extraordinaire. Rendants service avec un mot gentil, tolérants, souriants et enthousiastes. Même les policiers sont sympas nous saluant d’un pouce levé. Autre pays, autres moeurs...
Nous avons traversé le détroit de Magellan. Une vraie émotion en pensant à ces navigateurs fous qui de tempêtes en récifs ont exploré ce dédale d’iles, canaux, baies et presqu’iles. Le canal est semé d’épaves de vaisseaux téméraires. Nous y reviendrons, j’ai envie d’aller bivouaquer à Port Famine.
Demain Ushuaia. Un mythe.
Hasta luego.
Portez vous bien.

Christine & Olivier


Carnet de route n°3 - Punta Arenas - Chili le 21 de enero

On sait que la Terre de Feu fut ainsi nommée par Magellan à cause des feux qu’entretenaient les indiens Onas et Alakalufes dans leurs campements côtiers. Mais certes pas à cause de la température ambiante. Ce soir 5°C et 80km/h de vent. Conditions normales ici en été.

Dans la trapanelle, eau chaude, chauffage et confort douillet sous la couette. Avec , par la guignette, un coucher de soleil renversant de beauté sur le canal de Beagle. Et une jolie musique qui nous transporte bien loin des contingences jaunes ou grises.

Pour arriver ici une longue route bordée de clôtures dans des paysages austères, vides, interminables, balayés par le vent et qui n’opposent rien au regard. Une station service comme une oasis tous les 200 km. Le voyage terrestre permet de mesurer l’immensité du continent.

Il a neigé cette nuit sur les sommets (1500m) autour d’Ushuaia. Normal pour un 14 Juillet austral. La ville n’est pas très belle mais l’écrin est somptueux. Coincée entre le canal de Beagle et les montagnes elle est à « la fin del mundo ». Destination à la mode pour les bateaux de croisière avec leurs caphorniers de salon qui bravent le vent dans les rues. Mais c’est un nom qui fait rêver.

Un bivouac d’anthologie au bord du canal de Beagle. Vent nul, température acceptable, un beau voilier qui embouque le canal. Repas dehors près d’un feu d’enfer en admirant le spectacle. Le vin de Mendoza était délicieux.
Le Beagle était le bateau de Darwin, le capitaine s’appelait Robert Fitz Roy. Magie des lieux et de l’histoire. L’imagination s’emballe.

Louisa parle le français. Appris sur l’oreiller avec un marin. Dans son minuscule restaurant -4tables- de Puerto Almanza -47 habitants- elle sert le meilleur gratin d’araignée de mer du détroit. Sa gentillesse, sa cuisine et le cadre vous emmène au paradis fuégien. Douze étoiles au Michelin!

J’aime essayer de parler espagnol. Avec les gags inévitables ; j’ai confondu anos et años, anus et années. Mon brave interlocuteur, fort tolérant, a souri... Mais je ne désespère pas au terme de ces quelques mois de voyage d’en savoir un peu plus que le kit de survie. Pour le plaisir d’échanger, de savoir, de connaître et d’aller au delà de l’éloquence du regard.

Traversée en diagonale de la Terre de Feu. Immensités désertes ponctuées de rares estancias. Le maître des lieux est le vent qui torture les arbres, sèche la plaine et envole les mouches. Ni répit ni abri. Il ne caresse pas mais violente. Les convulsions d’un dément puissant, sur de lui et dominateur. Cocon de la cellule bercée par les bourrasques.

Port Famine, Ile de la Désolation, Baie Inutile, Ile de l’Ultime Espérance, Golfe des Peines. La toponymie des Magellanes laisse imaginer ce que fut la navigation dans le Détroit. Au chaud, au sec et le ventre plein le rêve est sans risques. Seul l’âge donne une idée de ce que fut le scorbut...

Bonne semaine à toutes et tous

Christine & Olivier

Carnet de route n°4 - El Calafate - Argentine

Nous avons donc bivouaqué au bord du détroit de Magellan près de Port Famine.
Un vieux fantasme. Balade sur la rive bordée de hêtres de l’antarctique et de fuschias.
Dans le fond le cap Froward. Un des pires lieux de naufrages de la marine à voile. C’est là que se mêlent les eaux du Pacifique et de l’Atlantique. On ne distingue plus le ciel de la mer fondus dans un gris noir tourmenté de tempête. Les bateaux de la Marine Chilienne sont peints en noir; tenue de camouflage...

Dans le cimetière de Punta Arenas de grandioses mausolées un peu kitsch, des tombes ornées de Pères Noël, de figurines en plastique et de photos de famille. Des noms de toutes origines, beaucoup de serbocroates. Quel a été le destin de José Nelson Hidalgo Adamovitch mort à Punta Arenas en 1932?

Une oie bat vigoureusement des ailes face au vent. En cinq minutes elle a reculé de cent mètres. Vaincue, elle se pose. Flight cancelled. Ça décoiffe à Rio Verde!
Une de ses cousines gasconnes nous ayant légué son foie, nous avons du le faire passer avec un Sauternes respectable presque abrités derrière le hangar de tonte des moutons de l’estancia.

Des milliers de moutons en transhumance sur la Nationale 3. Une vingtaine de gauchos et leurs chiens pour mener cette marée stupide d’un kilomètre de long. Une voiture balai avec une remorque où l’on jette sans ménagements les éclopés . Spectacle surprenant La circulation se paralyse dans la bonne humeur.

Bivouac au milieu du vent. La trapanelle tremble sous ses assauts. Nous aussi, mais c’est à cause de la goutte de Mimile dégustée à titre thérapeutique en raison de ses vertus calorifiques. Eole, Morphée, Bacchus et Eros vont nous offrir une nuit délicieuse.

Au bivouac de Torres del Paine un aigle antarctique gros comme un coq de basse cour a fait une pose sur le capot de la voiture. J’ai du le gronder quand il a attaqué les essuies glaces. Il a sauté en bas puis est parti nonchalamment, presque méprisant, en laissant une fiente comme cadeau d’adieu.

Balade dans ce somptueux parc. Un des plus beaux paysages que j’ai pu contempler. Des hautes Torres enneigées les glaciers tombent dans des lacs tous de couleur différente. Epoustouflant!
En cette haute saison touristique les sentiers sont envahis de nombreux porteurs d’une maladie de découverte récente: le narcissisme 2.0 caractérisé par trois signes pathognomoniques. Un besoin irrépressible de tourner le dos au paysage pour, sur une photo, y intégrer sa face béate. Dans une main une perche à selfie tenue comme un sceptre. Dans l’autre main ou un petit sac une bouteille d’eau car le patient n’a guère plus de 500m d’autonomie sans se réhydrater tant son ego consomme. Signe fréquemment associé, une goujaterie qui le pousse à bousculer tout ce qui pourrait gêner l’immortalisation de son autosatisfaction.

Ernesto est un forban. Quittant le parc nous trouvons au milieu de nulle part pour le bivouac une vaste prairie sans clôture où nous nous installons entourés de guanacos. Une heure plus tard survient un pickup dont le chauffeur, Ernesto, descend pour nous ordonner de lever le camp au prétexte que nous sommes sur un terrain privé, le sien. La discussion s’engage et à notre grand étonnement il la poursuit dans un français parfait. Et le propos devient surréaliste; nous avons droit à un cours sur les vertus de l’alimentation à pH alcalin, la nutrition des cellules et le cours de la laine de mouton. Une heure durant il bavarde de choses et d’autres toujours en français avant de nous demander 40$ pour occupation du terrain. Finalement nous avons gentiment transigé à 20 le vieux forban nous ayant bien fait rire.
La suite quand nous serons revenus au Chili.
Portez vous bien.

Christine & Olivier

Carnet de route n°5 - Cochrane - Chili

Longtemps le glacier Perito Moreno a insolemment continué d’avancer de 2 mètres par jour à 300 m d’altitude. Il est à la même latitude sud que Fouquereuil au nord. Cependant lui aussi commence à faiblir et sa progression se ralentit. Mais le spectacle reste grandiose. Cette falaise de glace - 5km de large, 40 à 70m de haut - hachurée de toutes les nuances de bleu, crénelée, déchiquetée et découpée s’effondre en craquant dans le lac Argentino où dérivent les « glaçons » qu’il vomit. Fascinant! Beaucoup de pèlerins pour cette Mecque du tourisme. Smartphonepboto en guise de coran.

Etonnant, rassurant et sympathique le nombre de jeunes français qui voyagent sac au dos, en stop, randonnant et dormant sous tente dans cette Amérique australe. Seuls, en couple, avec des copains, pour quelques mois ou plus ils vivent un voyage initiatique et rayonnant bien loin de nos préoccupations ternes, jaunes ou grises. Ils sont avenants, curieux et enthousiastes. Rencontres rafraichissantes!

Au pied du Fitz Roy depuis deux jours en attendant qu’il se découvre. Un vrai steaptease, il montre une épaule, une jambe, mais pas encore l’essentiel, sa paroi verticale de 1200m. Comme au cabaret on patiente en picolant de temps en temps.
La musique, c’est le vent et les confettis, la pluie. Et comme nous, les escaladeurs portant des sacs à dos gros comme des armoires attendent l’embellie.
Finalement il a ôté son béret, le haut, le bas et l’a vu tout nu entouré des pics Saint Exupéry, Guillaumet et Mermoz. Pas de Lionel Terray qui fut cependant le premier au sommet en 1954. C’est très beau et impressionnant. Une petite randonnée pour le voir de plus près. Sentier parcouru par les porteurs de gros sacs et des marcheurs suants.

Embarqué un italien qui faisait du stop à mille miles de toute terre habitée. Il s’est effondré, desséché, dans la cellule et nous l’avons déposé à la station service suivante. Loin. Nous roulons cap nord dans l’aridité argentine. Un vide austère, désertique mais clôturé. Estancias de milliers d’hectares de misère.
Ce sud ouest argentin, c’est le Tanezrouft du Sahara. La même vacuité.
Au milieu un lac d’émeraude. Une petite dune, température clémente, pas de vent et un bon feu pour griller la viande. Bivouac doux et apaisant après quelques semaines de vent féroce.

Sous le regard admiratif des jeunes de l’année et pour parfaire leur éducation, le guanaco copule langoureusement en émettant des commentaires de satisfaction. Pas étonnant qu’ils soient si nombreux. Ils ne sont pas chassés et leur seul prédateur naturel est le rare puma. Parfois en sautant une clôture un jeune se prend dans les fils et sèche au soleil. En Patagonie, beaucoup, beaucoup de lièvres. Les imprudents tapissent routes et pistes. Dés qu’il’y a de l’eau, oies, flamands roses, échassiers divers et canards se réunissent en congrès coincoinant.

Quelques degrés de latitude vers le nord et c’est le grand beau. On quitte la polaire. Passage au Chili par une douane perdue au bout d’une longue piste torturante. Les jours d’affluence, trois voitures. Pas obsédés comme ailleurs à vous piquer toute la bouffe au prétexte de normes sanitaires.
On traverse un parc naturel tenu par des écolos intégristes. Il y a même un sentier interdit aux marcheurs mais réservé aux cyclistes qui n’existent pas dans le parc...
Au vu de la liste des interdictions, pas sûr qu’on ait le droit de s’arrêter pour pisser! Surveillance par des matonrangers. Nous irons donc bivouaquer ailleurs, près de leur cher rio, mais par des chemins détournés... Non mais!

A Cochrane ravitaillement aux Galeries Lafarfougnette version australe. Patates, jambon, savon, tampax, boulons de toutes tailles, fil à clôture, carabine Winchester, perceuse, biscuits, selles pour chevaux. Le catalogue de la Redoute revu par Prévert.
Profitant de la météo souriante nous filons vers le sud sur la mythique carretera australe construite il y a vingt ans par Pinochet...
Portez vous bien les amis.

Christine & Olivier
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Manard
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Re: Argentine Chili 2019

Message par Manard »

Bonsoir Christine & Olivier,

Je vous remercie pour ces superbes carnets de route, on s'y croirait :super: :bravo:
Olivier vous devez bien avoir quelques photos à partager pour accompagner ces délicieux carnets ;-)

Je vous souhaite une bonne soirée, vous semblez être de retour, ça doit vous changer...

Bernard
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Olivier Crasquin
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Re: Argentine Chili 2019

Message par Olivier Crasquin »

Bernard, voici un lien pour voir quelques photos de ce superbe voyage:
https://photos.app.goo.gl/bN4YxTiLEgPia7uy5
Mais à dire vrai, la photo n'est pas ma passion...
Olivier Crasquin
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Re: Argentine Chili 2019

Message par Olivier Crasquin »

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Manard
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Re: Argentine Chili 2019

Message par Manard »

Bonsoir Christine & Olivier,

Je vous remercie pour vos photos qui sont également superbes :bravo: Vous avez eu de beaux ciels et paysages.
Je vous souhaite une bon week-end.

Bernard
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LumaRodeur
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Re: Argentine Chili 2019

Message par LumaRodeur »

Olivier Crasquin a écrit : sam. 30 mars 2019 13:37
Mais à dire vrai, la photo n'est pas ma passion...
Olivier,
Super ces photos :super: , heureusement que la photo ce n'est pas ta tasse de thé.
Ca donnerait quoi , du travail de Pro. :bravo: :super:

Tu va nous dire que tu as fais cela dans l'urgence... :clown:
Vite fait comme un Dakar .

Bruno
Olivier Crasquin
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Re: Argentine Chili 2019

Message par Olivier Crasquin »

Suite et fin de ce voyage en Argentine et Chili. Nous repartons pour la suie en septembre.

Carnets de route - Chapitre 6

Tortel, un très joli petit port. 507 habitants,19750 km2, 300 jours de pluie par an. Pas de rues mais passerelles et escaliers puisque la piste n’existe que depuis 20 ans.
On commence à y voir quelques touristes.
Plus au sud la piste continue sur 120km vers son terminal à Villa O’Higgins. Elle devient une piste d’anthologie serpentant entre rivières, forêts, marais, au fond d’un canyon ou
suspendue dans le vide des montagnes. Voie unique fort cabossé, sinueuse avec des centaines de virages aveugles dans des montagnes russes. Moyenne 35km/h. Elle offre un spectacle tellement grandiose que Christine en a oublié son vertige!

Après les escaladeurs du Fitz Roy les cyclistes de la Carretera Austral. Cette piste de 1200km est un mythe pour les cyclotouristes qui ahanent sur des vélos chargés d’un colossal barda. Vent, pluie, poussière, piste éreintante. Le soir une petite tente, butagaz et raviolis. Mais leur grimace reste enthousiaste.
A Puerto Yungay en attendant le bac, bavardage avec l’un de ces forçats. Brésilien, il
vit au Canada, a étudié à Maastricht, parcouru les Vosges en vélo et visité Lille. Suerte!

Puerto Rio Tranquilo au bord du lac Carrera porte bien son nom. La montagne de marbre s’effondre dans le lac et l’eau y creuse cavernes, grottes et piliers de dentelle. Le village sort de sa léthargie pour accueillir les touristes venus admirer le phénomène. Charlotte, originaire d’Arles, leur sert des crêpes dans une sorte de baraque à frites. Ambiance Bretagne 1950.

Un mot quand même sur les aspects pratique de notre vie de nomades. Dans la trapanelle de 4,75m2 habitables nous avons tout le confort: eau chaude, frigo, chauffage et bon lit. On se lave les pieds dans l’évier, les toilettes c’est le talus, la dernière douche il y a huit jours. Et on s’en fout!
La cuisine de Christine est excellente, les vins chiliens et argentins délicieux et le ravitaillement facile. Quand la météo fait un caprice nous dînons dans l’une ou l’autre voiture. Ce soir nous ne savons pas où nous serons mais il y aura bien un pré, une clairière, une plage ou un chemin creux pour nous accueillir. Un camping de temps à autres pour récurer les corps et le linge.
Une belle vie de nomades libres qui implique de renoncer à quelques superflus. On s’en trouve plus légers...

Le ciel austral est somptueux. Il n’est pas stupidement bleu mais chargé de nuages en folie poussés par les vents furieux. D’énormes nuages de toutes formes nuancés du blanc au noir se croisent, menacent, s’accumulent pour faire une nuit que déchire un rayon de soleil. Un grain noir dissout l’horizon, avale lacs et montagnes puis s’évapore dans la lumière. Ciels d’apocalypse et cavalcades effrénées que rosit le couchant. De notre lit, par la lucarne, c’est une TV de rêves...

En remontant vers Coyhaique la circulation s’intensifie et la piste défoncée par cette noria devient infernale. Bosselée d’une tôle ondulée géante, creusée d’un trou tous les deux mètres, semée de pierres et constamment noyée dans la poussière opaque levée par le traffic. La voiture tressaute, vibre, rue et se plaint dans un boucan épouvantable. Les kilomètres sont éprouvants. Pour les cyclistes et les motards c’est l’enfer.

Suite un plus au nord. Portez vous bien.

Christine & Olivier





Carnet de route nº7

Coyhaique, préfecture du Sud chilien. Aucun bâtiment de plus de deux étages, maisons modestes, charme des villes perdues dans les lointains. Approvisionnement facile et garages pour pimpelocher les voitures. L’auto moderne bardée d’électronique nécessite des soins attentifs tandis que la trapanelle fière de ses dix neuf ans et 280.000 km d’aventures hasardeuses reste une force tranquille. Une vieille pantoufle dans laquelle on se sent bien et rassurés. Assez anachronique pour susciter l’étonnement et être photographiée comme une relique.

Si la Patagonie argentine est d’une aridité sahélienne, le versant chilien qui reçoit les pluies du Pacifique offre une végétation quasi tropicale. L’essentiel est couvert de forêt primaire. Etonné par la quantité impressionnante de troncs énormes charriés par les rivières en crue à la fonte des neiges. Ils s’accumulent sur les berges en gigantesques enchevêtrements. Personne ne les utilise, le bois est ici surabondant.
Il a permis la construction de dizaines de milliers de kilomètres de clôtures.
L’obstination de ces hommes qui sans fin ont planté des pieux pour enfermer le vide m’interroge. La clôture semble être leur religion et les marchands de fil de fer leurs évêques.

Puerto Chacabuco. Bivouac improbable dans un terrain vague entre trois barques et deux maisons de pêcheurs. Le coucher de soleil sur mer et montagne est somptueux. Nous voyant installés et contemplatifs une jeune femme avec le coeur aussi gros que ses rondeurs nous apporte un paquet de délicieux beignets tout chauds qu’elle vient de frire. Et puis va se baigner dans la mer avec ses enfants. Eclaboussements de rires. Belle leçon de vie. Il est loin le JT de 20 heures...

Je rêvais de voir un glacier finir dans la mer au fond d’un canal de Patagonie chilienne. Encore un vieux fantasme exaucé. Dix heures de navigation dans le dédale de ces fjords et canaux pour voir le glacier San Rafael se déverser par icebergs dans la mer. Il avance de 700m par an, les glaçons sont donc nombreux et imposants. Le bateau slalome, s’approche puis met à l’eau des Zodiacs pour aller frôler au plus près le front de glace qui craque et s’écroule bruyamment. Spectacle intense.
La navigation dans le canal Elefantes est assurément ce que j’ai vu de plus fort comme paysage et ambiance depuis que je me promène. Difficile de trouver les mots pour décrire cette nature dont la force et l’austérité garantissent l’inviolabilité . Des montagnes abruptes couvertes de neige, de glaciers suspendus, de forêt primaire tombent sans une plage dans une mer noire d’encre. Accostage impossible. Défense d’entrer. Les hommes de ces canaux, indiens, colons ou pêcheurs sont des corps flottants. La nature se défend farouchement contre toute intrusion. Elle impose et domine avec la complicité d’un ciel écrasant et d’une météo difficile. Parfois en été un rayon de soleil perce les nuages et se reflète sur la mer comme une tache d’argent en fusion. Contraste éblouissant et éphémère avec la noirceur de l’horizon.

Quelques observations au fil de la route.
Panneaux au bord des routes pour suggérer (sugerida) la vitesse. Pas d’ayatollah de carnaval pour l’imposer. Donc pas de radars.
Les truites, hormis deux suicidaires, méprisent avec une absolue constance toutes nos tentatives pour les aguicher.
Sous la pluie le papier cul ne se perce que quand on l’utilise. Sinon il garnit longuement les buissons de bord de route.
Depuis des heures et des heures une pluie torrentielle et froide. Ce soir je préfère être un vieux dans une trapanelle qu’un jeune à vélo.
Jeune fille aguichante le pouce levé en bord de route, deux costauds avec gros sacs dans le fossé.
Dans certains pays (???) uniquement des fous du volant acharnés du klaxon. Ici silence et courtoisie. Chacun son mode d’expression...
Photo, photo. Peut-on pixelliser émotion, ressenti, ambiance, saveur; l’essence même du voyage?

Passage en Argentine, nous quittons la Carretera Austral. 1200km de route, piste et mauvaise piste. Mais quel spectacle et quelle ambiance! Probablement un des lieux les plus époustouflants que je connaisse. Tout y est trop. Spectacle dantesque, ambiance de bout du monde mais une harmonie quasi sereine. C’est fort et enivrant. Rassurant aussi car la nature en reste reine.

Avant la frontière une dernière gourmandise. La Futaleufu est une rivière à fort débit qui attire nombre de jeunes kayakistes audacieux. Plus raisonnablement nous avons fait une jolie descente en raft. Les rapides étaient sérieux. Tels que le bateau ayant chaviré nous avons eu de belles sensations.

A bientôt les amis. Portez vous bien.

Christine & Olivier



Carnet de route n°8 - Aluminé


A la douane le touriste passe tranquillement par le bureau « migracion». Probablement plus compliqué avec un « i » en plus...

Dans l’hémisphère sud, en remontant vers le nord nous espérions trouver des températures plus clémentes. Mais l’automne est ici précoce. Et ce soir pour un dîner champêtre tenue de soirée impérative : gros pull + bonnet + polaire. Un grand feu, un solide apéro, BBQ et vieux rhum nous ont permis de supporter les 10°C et le vent.
Pas masos mais endurcis. C’est le cinquantième bivouac.
Bien sûr il y a quelques contraintes dans ce voyage. Soirs et matins un peu frais:
2,5°C ce matin. Quelques pistes sévèrement branlantes; aïe, aïe ,aïe les fesses et la mécanique. Vent et poussière beaucoup plus qu’il n’en faut. Donc rien de dramatique.
Tu l’as voulu, tu l’as eu m’aurait dit mon père !

Dans le parc Los Alerces une variété de bambous fainéants qui ne fleurissent que tous les 60 ans. Fleurs = graines = rats pour les bouffer = renards pour les bouffer = pumas pour les bouffer. Et puis tout le monde s’en va. Rendez-vous dans quelques générations.

De retour en Argentine on retrouve les parillas, ces gigantesques barbecues qui sentent si bon. L’argentin moyen ingurgite 70kg de viande par an. Un cauchemar pour les végans... Malheureusement il ingurgite également des litres de soda. Prends deux chaises et assoies toi avec nous.

Pablo est un indien mapuche. Comme beaucoup d’autres ils furent allègrement massacrés par les estancieros et surtout le gouvernement argentin. La guerre du désert vers 1890. Les statues du général Roca qui en était le bras armé sont régulièrement aspergées de peinture rouge. L’heure n’étant pas à la repentance Roca reste sur son cheval de bronze et Pablo vivote d’un petit camping et de quelques moutons.

La piste au nord de San Martin de los Andes le long du rio Aluminé est magnifique. 1000m d’altitude, vent violent, température fraîche ; le bivouac s’annonce difficile. Par hasard nous entrons dans une propriété privée.
José Maria et Maria Elena nous accueillent avec l’extraordinaire gentillesse des argentins. Dans la propriété vous êtes chez vous, installez vous. Les gens des contrées reculées ont un sens de l’hospitalité qui laisse rêveur. Ils offrent le peu qu’ils ont tout en étant capables de lâcher les chiens sur les importuns.
Les aïeux italiens de José Maria se sont installés dans le trou du cul du monde en 1896. Probablement en chassant quelques indiens mapuches... La vie fut rude loin de tout dans un environnement difficile. Ils se sont cramponnés avec obstination.
Il avait la larme à l’œil lorsque nous sommes partis.
Chaleur des coeurs, du feu et du vin d’Argentine. Un moment intense.

Samedi comme presque partout c’est un peu relâche. Ici on invite les copains pour marquer les veaux. Et pour jouer on les lâche dans une pâture pour les attraper au lasso. Le plus habile se fêtera lors du gigantesque barbecue bien arrosé du soir.
Le bonheur est dans le pré. Joli spectacle pour le rare touriste de passage.
Il faut y aller en Araucanie! Une piste magnifique dans une vallée le long de lacs et rivière. Des araucarias gigantesques nous surveillent du haut des falaises comme des indiens emplumés . Un décor de rêve.

On ne peut bien sûr avec un peu de mauvais esprit éviter de comparer le gaucho des pampas argentines et le gaucho français... En souhaitant mettre le second à l’école du premier. Les lamentations ne sont pas une solution dans ces régions. Et les gilets ne servent qu’à ceux qui paradent, les autres sont en selle.

La trapanelle fait un caprice. il lui faut à tous prix un nouveau joint ( non, non, une vraie rondella) de pont arrière. La douairière étant difficile, il faut le faire venir de France. Petite perturbation sans gravité du programme. La santé de mamie avant tout!

Portez vous bien. Nous vous embrassons.
Christine & Olivier

Carnet de route nº9

Encalminés à Aluminé. Ça n’est pas le titre d’un polar mais une réalité. Une petite pièce pour la voiture met deux jours de Bécon les Bruyères à Buenos Aires et dix jours de BA à la province. Nous patientons donc dans ce joli village d’Aluminé qui nécessite néanmoins une vie intérieure très riche et une bonne polaire. Au bord du rio le spectacle est dans l’acharnement de tous, hommes, femmes, enfants et vieillards, à manier la canne à lancer du matin au soir. Capitaines Achab de la rivière. Articles de pêche en vente à la station service.

Une réflexion sur le voyage. Il commence par un départ qui signifie absence, éloignement et distance. L’inconnu, le risque, le mystère avalent ceux qui quittent la rive. Ils partent intrépides vers des ailleurs, des lointains imaginés et fantasmés. Ils laissent les leurs à quai qui restent avec leurs craintes et inquiétudes.
« ...partir, partir... » disait Baudelaire qui avait filé à Zanzibar.
Mais pourquoi voyager? Chacun a sa réponse, sa raison, sa motivation. Les bons auteurs prétendent qu’il y a quatre conditions cardinales pour le voyage; l’envie d’aller voir ailleurs, le goût de la liberté, une dose d’anticonformisme et bien sûr l’acceptation du risque. Ordre et importance au gré de chacun mais les quatre sont indispensables.
Est ce que l’actuelle connexion facile qui rétrécit le monde modifie la philosophie du voyage? Pas sûr que Sylvain Tesson et Marc Zuckerberg se retrouvent au pays des rêves...

Toujours en attente de la pièce qui guérira la trapanelle, stand by à Neuquen. Retard du aux arcanes de la douane argentine qui taxe toute importation à 100%. Le client innocent n’est pas informé et le colis bloqué. Harpagon complice d’Ubu. Pendant ce temps nous patientons au bord de la rivière dans ce qui doit être le champ de tir local vu les épluchures. Les aléas du voyage nécessitent une certaine résilience...
Bref, nous patientons avec philosophie en visitant Neuquen où il n’y a rien à voir. La trapanelle se fait photographier à tous les carrefours comme une star. Vu sa récente incontinence du pont arrière, c’est plutôt une star de pub pour couches du troisième âge!
La pièce tant attendue arrive enfin. Hourrah de courte durée car ce n’est pas la bonne... Envie de donner des claques! Daniel, le chef d’atelier a un pote tourneur fraiseur, El Tornero. Ils ont donc fabriqué la pièce. Pour trois francs six sous. Et c’est reparti. Merci les artistes pour votre disponibilité, votre compétence et votre gentillesse !
J’ai plusieurs fois évoqué cette extraordinaire gentillesse des argentins. Leur attention et leur disponibilité envers l’autre, envers les autres est surprenante. Notre individualisme s’en trouve presque gêné.

Autour du Payun 3680m, 800 volcans. Une des plus grandes concentrations du monde. Un décor à couper le souffle sur 4500km2. Des amas de lave, des bombes volcaniques et d’immenses plaines de cendres entres les cônes. Les expectorations de la terre. Par endroits de rares touffes d’une herbe rase et dorée, tout le reste est noir, presque tout est noir. L’impression de rouler sur un décor de Soulages, de contempler la création la Terre.
Curieusement la piste ne figure pratiquement sur aucune carte. Bien sûr nous sommes seuls. Dans le vent glacial d’un bivouac pour les yeux et l’âme. Un délit d’initié...

John, un américain d’une trentaine d’années est parti à pied d’Ushuaia depuis cinq mois. Il veut rallier l’Alaska en poussant sa poussette de barda. Entre trente et cinquante kilomètres par jour. Il doit y avoir des moments de grande solitude...
Mais quel enthousiasme lors des quelques minutes de bavardage au bord de la piste .

La vallée de Callingasta est une splendeur. Pour une fois les guides ne disent pas d’âneries. Elle essaie timidement et humblement de pénétrer dans la cordillère entre des sommets de 5500 à 6800m couverts de neiges et glaciers. Une piste ensoleillée serpente entre rio et falaises. En dessous de montagnes si gigantesques on trouve une certaine quiétude. La révolte est inutile.
Mais ce soir le vent a attaqué avec violence et soudaineté notre paisible bivouac. Pas content de nous voir siroter un apéro qu’il a immédiatement rempli de sable. Sagouin!
Pour arriver ici, comme dans tout le sud du pays, les centaines de kilomètres d’une piste ou route qui serpente dans la solitude, l’aridité et l’austérité. Des reliefs tels qu’on dirait que la terre a convulsé. Le spectacle est époustouflant. On s’y sent petit, tout petit. Insignifiant.

Dans la Vallée de la Lune (qui porte bien son nom) des squelettes de dinosaures. Pour y arriver une route himalayesque. Les roches et les montagnes ont toutes les couleurs de la douleur et de la furie, du blanc au rouge foncé. Plus loin des panneaux interdisent de circuler en cas de crue. On reste dans la démesure.

Il nous reste à regagner Montevideo. 2500km pas franchement passionnants en traversant l’Argentine d’ouest en est. Les voitures nous y attendront jusqu’en septembre pour la deuxième session.
Merci mes amis d’avoir supporté mon verbiage. Émotions, rencontres, coups de cœur, émerveillements et ronchonnades, c’était l’objet de ces carnets de route.
Que le printemps et l’été vous soient doux. Rendez vous à en automne.

Christine & Olivier


Addendum


Il fallait trouver un endroit à peu près sûr pour remiser les voitures durant six mois.
Au gré des forums je trouve un camping/gardiennage tenu par des suisses non loin de Montevideo. Vamos.
Surprise, heureuse surprise. Un vrai caravansérail comme ceux que je connais en Asie Centrale ou en Afrique. Un repère de voyageurs.
Et comme toujours dans ces oasis le moment est grandiose. Conversations dans un pidgin allemand/espagnol/français /anglais où les mots se mélangent dans un gloubiboulga que tous comprennent. Des voyageurs au long cours, des couples improbables, des véhicules divers mais toujours des histoires extraordinaires et des destins peu communs.
Chacun raconte aventures, rêves et projets autour d’une table que les suisses veillent à toujours bien garnir. Tous ont une philosophie de la vie similaire en quête d’imprévus, d’incertitudes, de découvertes et d’émerveillements. L’esprit ouvert, ils arrêtent le temps pour contempler le monde. Eloignés des contingences de notre quotidien nombrilesque ils semblent lumineux.
Une délicieuse fin de voyage et une incitation à repartir.
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dakure
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Enregistré le : dim. 28 nov. 2010 19:27

Re: Argentine Chili 2019

Message par dakure »

Merci pour ces moments partagés avec vous !
En plus j'adore ta prose ;-))
Ford Ranger simple cabine, K-Hutte 2.70 toit relevable complet.

Les pneus ça me gonfle, comptez 3 barres environ!Encore merci à mon prof de Français!
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